Virgule
de Samantha Barendson

critiqué par Débézed, le 28 février 2023
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
L'amour pour tous
J’ai croisé Samantha du côté de Houma, dans un long poème, quand elle avait entrepris un grand road trip entre la Nouvelle-Orléans et San Francisco. Aujourd’hui, je la retrouve dans un hôpital au chevet de son ami de toujours. En traversant la rue, les yeux rivés sur son portable, la nouvelle baguette magique des temps modernes et en même temps l’arme fatale de bien des déboires, Léonard n’a pas vu arriver une voiture qui l’a violemment percuté, il a été projeté, fracassé, sans connaissance. L’hôpital a appelé la narratrice, sa meilleure amie depuis l’école primaire, son numéro de téléphone était affiché sur la page d’accueil de son portable.

Léonard est dans le coma, elle ne peut pas le laisser seul, c’est son ami, un ami de toujours, elle décide alors de le visiter chaque jour et de lui parler en espérant qu’il l’entende et qu’il se réveille vite. J’ai connu un collègue de travail qui est resté quinze jours dans le coma, il entendait tout ce qu’on disait autour de lui sans pouvoir manifester le moindre acquiescement. « Je parle pour que ma voix devienne la corde à laquelle tu pourras t’accrocher pour remonter du puits, Oh hisse ! ». La narratrice raconte son amitié avec Léonard, la vie qu’elle a construit avec son mari et sa fille, réalisant ainsi une véritable introspection sur son existence, un retour sur la vie qu’elle a menée jusqu’à ce terrible accident.

Elle avertit tous les contacts de Léonard figurant dans son téléphone, ne pouvant éviter d’informer Maxime le compagnon que Léonard était en train de quitter. Maxime se précipite au chevet de son ami, en voie de devenir son ex-compagnon, mais ne veut pas rester seul auprès de lui de peur de se confronter à lui s’il se réveille. Alors, chaque jour, il accompagne l’auteure lors de ses visites à Léonard et finit par lui parler lui aussi. Cette rencontre entre Léonard, Maxime et l’auteure et l’occasion pour cette dernière d’évoquer sa façon d’envisager l’union des hommes et des femmes dans notre société actuelle. Elle évoque Solange qui préfère les femmes sans avoir d’enfant, Julie qui préfère elle aussi les femmes mais a trois enfants, Mathilde qui se laisse porter au gré des rencontres sans se préoccuper de leur sexe, Isabelle qui a quitté son mari pour une femme, Stéphane et Olivier qui ont deux filles. Des couples dont la géométrie est très variable mais qui tous ont en commun de savoir partager un amour profond.

Ce livre est un puissant plaidoyer contre le mariage traditionnel qui enferme les protagonistes dans un cage de conventions, de règles, de convenances sociales, de coutumes et d’usages, , …, pour le mariage pour tous, pour la PMA mais aussi pour l’amour sans sexe, l’amitié profonde débarrassée de toute contrainte de sexualité et d’exclusivité.

Mais ce texte est aussi une interrogation sur le contenu du coma, que se passe-t-il quand une personne est dans cet état ? Où va-t-elle ? Comment vit-elle quand elle est là-bas dans son ailleurs que personne ne connait ? Avant, de chercher des réponses à ces questions, les deux amis voudraient déjà savoir si Léonard va se réveiller et, si oui, quand ? Et éventuellement avec quelles séquelles ? Une foule de questions qui les bouscule sérieusement. Des questions qui préfigurent déjà celles que l’on se pose quand la fin se profile, quand il faut envisager le pire, quand la mort frappe à la porte…
Et quand ils découvrent la chambre vide, toutes ces questions se précipitent, se bousculent, les terrorisent, …, la réalité rattrape la fiction, les éventualités, les questionnements, les spéculations… Une histoire pleine de tendresse et d’amour, une réflexion très engagée sur des sujets d’actualité brûlante, un texte plein de finesse et de délicatesse qui évoque bien la plume de la poétesse.