Décortiqué
de Gérard Leyzieux

critiqué par Débézed, le 21 février 2023
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Des mots pour écrire la vie et les poèmes
Après avoir publié « Et l’attente attend » chez le même éditeur et m‘avoir confié quelque recueils de poésie et un roman, Gérard m’a proposé de lire ce nouvel opus, un recueil comportant des poèmes de quatre ou six vers ou encore un nombre de vers indéfini. Il a ainsi rassemblé des textes assez divers dans leur forme qui pourtant évoquent, d’une façon, très générale le monde dans lequel nous vivons … pas toujours pour le mieux. Sa vision de notre société n’est pas très optimiste, il envisage un avenir plutôt déliquescent : «Tout ce qui constituait notre existence semble disparaître et conduire à un essoufflement général qui emprisonne la vie ».

Le temps, les mots, la vie, …, tout se mêle et se mélange, s’emmêle pour dire la vie comme elle est maintenant : « Le paysage s’écrit aux couleurs de son époque / Monts, vaux, maisons, rivières et mers / Tes trajets qui foulent tous ces éléments / pendant que les mots trop érodés perdent leurs voyelles / … » . Les mots mêlent à la fois ce qu’ils évoquent en creux, ce qu’ils disent implicitement et ce qu’ils rendent dans leur tonalité. Le texte se fond ainsi dans le paysage ou à l’inverse le paysage transpire dans le texte. Les mots sont ce qu’ils nous font voir et ce qu’ils sont dans le poème…

Le texte de « Crépuscul-air », l’un de plus longs poèmes de ce recueil en donne le ton, il coule comme les vers de ce poème : « Ça coule, ça glisse, ça suinte et ça inonde / Feu enfui au fin fond des nuits / … », il en chante la musique et en imprime le rythme. Après avoir évoqué la nuit dans le précédent poème, l’auteur évoque, le jour, le jour nouveau qui pointe, dans « Jour-a-lier », le poème suivant : « En fin de matin naît la journée /Parcours du jour entre ton matin et ta soirée / … ». « Il serpente entre aurore et crépuscule ». De jour en jour, le parcours de la vie…

« Pendant que ton corps te confie ses mots / La vie s’entretient longuement avec la mort / … ». Après avoir déroulé le fil des jours et des nuits, le fil de la vie qui s’écoule et coule comme un lent ruisseau, l’auteur évoque le bout du voyage comme pour boucler son poème, pour boucler le long voyage de la vie qu’il a mis dans ses mots pour le confier à ses lecteurs ». « Flotter, voguer, voler, voler », tel est le chemin de la vie dans les airs, sur terre et sur l’eau, tel est l’inspiration du poète, sa création, son message… dans ces poèmes qui expriment le monde dans lequel nous vivons et que nous respectons si mal.

Pour conclure ce recueil, le poète s’évade dans un long texte en forme d’exercice de style dans lequel il décortique toutes les petites choses qui font son quotidien, sa vie de tous les jours, qui éclatent la matière en couleur et donnent le titre de ce recueil. Toujours le mélange des mots pour le dire et de ce qu’ils évoquent…

Comme je l’avais écrit pour conclure mon commentaire d’un précédent recueil : « Gérard élabore des textes poétiques comme d’autres bâtissent des édifices, construisent des engins divers, il recherche avant tout la justesse des mots, des sons… ». Jeu sur les mots, leur signification, leurs assonances : « Mot te meut et t’émeut / Muet devant tous ces maux / tu mets à mal la parole reçue / Phrases t’aphasient et t’anesthésient / … ». Les mots chantent, les mots disent, les mots évoquent…, le poète nous emmène dans son monde…