Destruction du père-reconstruction du père : Ecrits et entretiens, 1923-2000
de Louise Bourgeois

critiqué par JPGP, le 19 février 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Louise Bourgeois et l'éloge du secret
Louise Bourgeois, à 97 ans encore ne cessa de produire un mouvement nécessaire de féminisation de l'art. Il éclate dans pratiquement tous les textes de "Destruction du père, reconstruction du père". Contre l'impératif catégorique et fantasmatique d'un art qui fascine par effet de surface, l'artiste crée une sorte de suite d'altérations, de changements, d'ellipse.

S'y découvre entre autres sur une tapisserie antique un Cupidon qui écarte lascivement les cuisses : mais il n’y a plus de sexe mais un trou : “ Voyez ce trou, il est là, je ne l’ai pas inventé ” commente l’artiste. Car le trou est là depuis toujours comme une plaie ouverte dont apparemment l’artiste ne se remet pas - et nous avec.

La prégnance de la visibilité prend ainsi un autre aspect, un aspect confondant. Louise Bourgeois transcende ce que péniblement certains artistes contemporains tente de montrer : elle ne se contente pas de décrire un geste mais par le résultat de son geste, par la fabrication elle prend ainsi en revers l’art tente de montrer en vain. Par perforation, par fragments, entre la peinture-état et l’"action sculpting", ses emboutissages transforment ce qui aurait pu être "docilement" donné à voir.

Un tel livre creuse ainsi un trou et un trouble : dans l'aire du visible non forcément à sa surface mais à travers lui quelque chose vacille. Le travail de Louise Bourgeois n'est donc jamais celui d'enfouissement mais de pénétration Intimiste et grandiose le livre remonte aussi bien à l’archéologie de l’oeuvre que dans ces avancées ultimes. Se comprend ainsi que tout ce qui recouvre devint chez elle ouverture.

Jean-Paul Gavard-Perret