Trois ex
de Régine Detambel

critiqué par JPGP, le 17 février 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Trio du fantôme de Régine Detambel
Régine Detambel écrit sur « génie » du théâtre. Mais elle propose son portrait « en homme » à travers les trois femmes qui l’ont aimé et épousé. Mal leur en a pris. L’homme était sexiste, misogyne, alcoolique et la liste n’est pas close. Il fut aussi Strindberg. A savoir un grand dramaturge. Mais aussi un Trump à l’ancienne. L’August - entendons le clown – fut bien triste pour elles. Blasphémateur sa tombe fut profanée par les croyants adventices mais ils demeurèrent cois lorsqu’il tabassait ses femmes.

La première fut comédienne aristocrate et crut trouver dans le mariage le droit de pratiquer son métier, le seconde, journaliste, fille du propriétaire du plus grand journal de Vienne, devint son « agent » avant d’en avoir soupé. Puis il y eut une autre comédienne, « victime » d’une noce mystique.

Son Autobiographie (en partie publiée au Mercure de France traduit par Georges Perros) montre combien il fut un parano de première, fier de son fait et ne supportant pas d’être contrarié dans ses certitudes. Détambel lui fait la part belle en retenant les rarissimes codicilles où il soupire combien il avait tord et elle raison. Quant à ses autres œuvres - excepté son théâtre (Mademoiselle Julie surtout) - elles demeurent aujourd’hui insupportables de sexisme.

« Trois Ex » a le mérite de doubler la lumière du dramaturge par l’ombre du persécuteur. En ce sens ses héroïnes s’oppose à Détambel elle-même : ce qui prouve la réussite de son livre par un tel exercice de détachement. D’autant que les trois femmes furent éminemment indépendantes - c’est ce qui, paradoxalement ou non, séduisit « Macho-Man ». Il ne les aima qu’en les blessant ou les salissants. Non sans - selon lui - le plus brillant des alibis : le sadisme marital devint la matière première et le plus sûr garant d’un succès capable de nourrir ses victimes...

Régine Détambel ne lui en veut pas de ce qu’elle nomme pourtant "une vivisection". Elle a peut-être tord. Sûrement même. Mais son livre est plus que brillant. Il montre combien ce « modèle » est aussi le fruit de son époque et de son travail qu’il voulut « innocent ». Qu’on se rassure toutefois, loin de ses étaux de leur bourreau (et pas seulement du cœur), ces femmes ont sauvé leurs mises. En devenant « trois ex » et se revendiquant comme telles elles furent bien autre chose que « le trio du fantôme » et bourreau.

Jean-Paul Gavard-Perret