L'Héritage du commandant : Le petit-fils du commandant d'Auschwitz raconte
de Rainer Höss

critiqué par JPGP, le 8 février 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Rai­ner Höss et le témoignage impitoyable
Fabian Gas­tel­lier reste celle qui pré­ser­ve la mémoire des vic­times de la Shoah dans le but de tirer le monde loin de la bar­ba­rie. Elle a trouvé en Rai­ner Höss un allié éton­nant. Né en 1965, il est un petit-fils de Rudolf Höss, com­man­dant du camp d’extermination d’Auschwitz. Très vite, l’enfant doit se sou­mettre au silence imposé par sa famille eu égard au rôle que son aïeul tint au sein du nazisme. Sou­le­vant ce car­can, il voue son exis­tence au com­bat contre la dis­cri­mi­na­tion. Il mul­ti­plie les inter­ven­tions publiques et son livre reste un témoi­gnage ori­gi­nal. Il montre non les vic­times mais ceux qui joux­tèrent au plus près leur exter­mi­na­tion.

S’appuyant sur les mémoires de son grand-père, Rai­ner Höss, il en cite des pas­sages aussi "naïfs" que ter­ribles : "Ma famille avait la belle vie à Ausch­witz". Et le Com­man­dant d'ajouter : "Ma femme avait son para­dis fleuri" et plus loin "Les enfants s’épanouissaient libre­ment et sans contraintes. Dans le jar­din ils avaient tou­jours plein d’animaux que leur rap­por­taient les déte­nus." A deux pas, d’autres enfants étaient gazés. L’auteur rap­pelle que leurs cendres ser­vaient d’engrais à cet Eden. Il évoque aussi cer­tains mots de sa grand-mère : "Lavez bien les fraises, les enfants, à cause de la cendre". Et l’auteur d’ajouter, lourd de cet insup­por­table héri­tage : "Par­fois, je n’ai qu’une envie : hurler. "

Rainer Höss a pu trans­for­mer son cri en mots pour pré­ser­ver la société de la reprise de tels crimes. La per­sis­tance de sa lutte veut don­ner une trans­pa­rence à ce qui s’est passé dans le but d’appeler à un flux de vie tout en lais­sant per­cep­tible ce qui se trama dans le cercle tra­gique de la Shoah. L’auteur témoigne afin que de son ombre abys­sale sur­gisse l’espoir — peut-être insensé — de lumière. Il ne veut pas que ce témoi­gnage se perde car il est donne un angle par­ti­cu­lier sur les camps : il jouxte l’horreur en lui don­nant par contraste une force encore plus forte.L’auteur ne cherche pas d’excuses à sa famille et il prouve que si cer­tains de ses puis-nés en sont sor­tis indemnes, d’autres portent en eux le poids des bras armés qui ont fait pré­ci­pi­ter le monde dans une pro­fon­deur abys­sale.

Derrière cette expé­rience, la durée du monstre reste latente. C’est pour­quoi ses flammes doivent être rap­pe­lées afin que l’obscurité de son sans fond soit mise en avant. Il est en effet tou­jours prêt à renaître sous divers ava­tars et pré­sup­po­sés

Jean-Paul Gavard-Perret