Requiem pour une nonne
de Albert Camus

critiqué par Septularisen, le 19 janvier 2023
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
WILLIAM FAULKNER PAR… ALBERT CAMUS!
Au début de l’histoire nous sommes dans l’entre-deux guerres, dans un tribunal de la ville de Jefferson (Géorgie, USA). Nancy Mannigoe, une servante noire, ancienne droguée et prostituée, assiste au verdict de son procès et a sa condamnation à mort, fixée pour dans trois mois. En effet, elle a assassiné en l’étranglant dans son berceau, la petite fille du couple Stevens, dont elle était la nurse.
Nancy est étrangement amorphe et accepte sa condamnation avec résignation, et a même plaidé «coupable», contre la volonté de son avocat Gavin Stevens, qui n’est autre que l’oncle de Gowan Stevens.

Plus tard nous retrouvons le couple Stevens et Gavin, dans leur maison. Celui-ci exhorte Temple Stevens née Drake, a dire toute la vérité sur les évènements qui se sont déroulés la nuit du crime dans cette même maison. En effet elle était seule avec sa fille, Gowan et leurs fils Bucky étant partis a la pêche. Le drame semble en effet relié au passé sulfureux de Temple, et à certains secrets de famille bien enfouis dans l’oubli de chacun…

L’idée de Gavin est d’aller voir le Gouverneur de l’état, et avec le témoignage de Temple, faire passer Nancy pour folle et donc non responsable de ses actes. Il espère ainsi lui sauver la vie … Mais, le couple Stevens voit toute l’histoire sous le prisme déformant de la justice et de la vengeance, et puisque justice leur a été rendue, s’apprête à partir en vacances en Californie…

On l’aura compris «Requiem pour une nonne» est donc la pièce que l’auteur français Albert CAMUS (1913 – 1960) a adapté du roman éponyme de l’américain, - et accessoirement autre Prix Nobel de Littérature -, William FAULKNER (1897 – 1962) et qui porte exactement le même titre d’ailleurs. (1)

Les lecteurs de M. FAULKNER se souviendrons d’ailleurs du personnage de Temple Drake, héroïne d’un autre livre de l’écrivain américain : «Sanctuaire». (2) Les évènements décrits dans «Requiem pour une nonne» se déroulant huit ans plus tard, Temple Drake est devenue une femme respectable et fortunée par son mariage avec Gavin Stevens.

C’est une tragédie moderne, avec comme toile de fond l’affrontement entre deux femmes qui ont un passé identique. C’est écrit dans un langage simple, un peu comme si quelqu’un nous racontait un «fait divers» tragique dans un journal. C’est dans un style heurté, parfois comme essoufflé, parfois avec des envolées lyriques, avec des incidences et des reprises, au fur et à mesure des confessions de Temple. Pour ceux qui connaissent, il y a comme un petit air de la pièce «Les revenants», d’Henrik IBSEN (1828 – 1906).

Que dire de plus sur cette pièce? Il m’est bien sûr impossible, dans une si courte recension, de parler de tous les thèmes abordés par M. CAMUS. Disons que l’on y retrouvera tous les thèmes chers à l’écrivain français (même si certains ne sont qu’effleurés…), la faute, l'expiation, la rédemption, la question de la peine de mort, la race, l'esclavage, Dieu, la religion, l’acceptation, la révolte, la souffrance…

En conclusion ? Ne pas hésiter un instant à lire cette pièce... Comme toute l’œuvre d’Albert CAMUS d’ailleurs…

(1) : Cf. ici sur CL : https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/4149
(2) : Cf. ici sur CL : https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/2954

«Requiem pour une nonne» est une pièce en 2 parties et 7 tableaux. Elle a été mise en scène pour la première fois en septembre 1956 au théâtre des Mathurins-Marcel Herrand, par Albert CAMUS lui-même (c’était d’ailleurs sa première mise en scène). La pièce rencontra un immense succès et fut jouée à guichets fermés tous les jours de la semaine pendant deux ans, avant de partir en tournée en Allemagne, Suisse, Luxembourg, Belgique, Afrique du Nord et en Grèce.