L’historien Andréï Kappeler a étudié les relations entre Russes et Ukrainiens depuis le Moyen-Âge jusqu’à nos jours afin d’essayer de comprendre comment ces deux peuples, qui se sont souvent définis comme frères, en sont arrivés à se faire la guerre aujourd’hui.
La lecture de la partie historique du livre est plutôt difficile et elle est parfaitement résumée dans la critique de Colen8. Elle fait référence à beaucoup d’épisodes que nous ne connaissons pas, avec des noms de personnages difficile à retenir et dont nous n’avons jamais entendu parler.
Mais on peut retenir, en gros, que Ukrainiens et Russes (et aussi Biélorusses) sont frères. Ils sont issus d’une même souche qui se situe à Kiev, et ils sont unis par une même langue – malgré une multitude de dialectes – et par une même religion qui à l’origine était chrétienne.
Mais l’auteur tient à nous montrer comment l’histoire de ces pays est difficile à raconter parce qu’un même événement est interprété différemment par chacun des pays frères quand il s’agit de servir sa cause nationaliste.
La partie du livre qui traite des relations humaines et culturelles des populations est, à mon avis la plus intéressante. On y voit, d’une manière générale, que l’Ukrainien est plus cultivé, plus fin, plus artiste. Dès le XIVème et jusqu’à la domination russe du XVIIIème siècle, l’Ukraine s’est tournée vers l’Europe occidentale et a participé à son épanouissement social et culturel. Mais pour les Russes, l’Ukrainien est « le petit frère » indolent et paresseux, alors que, pour les Ukrainiens, le Russe est « un grand frère » volontiers dominateur et méprisant. Et l’on sait que le poids du mépris est souvent plus lourd à porter que des coups de massue.
Mais l’auteur nous dit qu’il est intéressant de constater que sur le plan individuel les rapports entre les frères russes et ukrainiens ont toujours été relativement bons, alors que sur le plan national les rapports ont toujours été tendus. C’est, entre parenthèses, ce qu’on constate aussi en Belgique : on ne verra jamais un Wallon et un Flamand en venir aux mains, au contraire, les rapports sont souvent amicaux. Mais, sur le plan communautaire, les liens sont rompus au point qu’une séparation définitive est de plus en plus envisagée.
Pour en revenir à notre livre, on retiendra qu’il n’est pas de lecture facile, surtout dans sa partie historique. Ce n’est pas un livre d’Histoire qui se lit comme un roman. Par contre, sur le plan de la culture et des relations humaines, il est intéressant. Il aide à comprendre la guerre actuelle de la Russie contre l’Ukraine. Mais on ne peut pas dire qu’il nous aide à savoir ce qu’en pense la Russie profonde. La « masse silencieuse » est, par définition, insondable et c’est bien dommage. On voudrait savoir ce que le « Russe moyen » pense de cette guerre qui endeuille aujourd’hui un pays frère. Malheureusement, aucun livre ne nous le dira jamais.
Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 89 ans - 11 avril 2023 |