Les femmes et la guerre de 1870-1871
de Jean-François Lecaillon

critiqué par Colen8, le 10 janvier 2023
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Reconnaissance bienvenue
La mémoire de ces héroïnes improvisées d’un conflit désastreux est ainsi rappelée. Les témoignages provenant d’un ordre largement patriarcal, les préjugés socio-culturels de l’époque portent ad nauseam un regard condescendant à la fois sur une minorité de dames tenant salon habituées à s’occuper accessoirement de bonnes œuvres, citoyennes de seconde zone considérées comme d’éternelles mineures, et sur toutes les autres de condition plus modeste en ville comme à la campagne qualifiées en termes souvent péjoratifs quand elles ne sont pas carrément rendues invisibles.
Dès la mobilisation les femmes se rendent dans les gares pour encourager les soldats allant au front : la France ne peut manquer de gagner au terme d’une guerre qui sera courte ! Après les victoires prussiennes qui s’enchainent, la cuisante défaite de Sedan, les villes dont Paris assiégées et menacées de famine, un gouvernement républicain ayant décrété la dissolution de l’Empire demande assez vite l’armistice. Pendant ces mois chaotiques les archives ont permis d’identifier plusieurs centaines de ces femmes de toutes conditions parmi des dizaines de milliers d’entre elles qui se sont engagées sans compter.
Quelques figures notables des arts et des lettres apparaissent ici et là : Zénaïde Fleuriot, George Sand, Sarah Bernhardt, Berthe Morisot, Rosa Bonheur pour les plus connues. La bravoure sur le terrain de quelques vraies militaires en uniforme leur vaudront la médaille militaire et même la Légion d’Honneur. Quant à Louise Michel, condamnée et déportée, elle sera classée parmi les « pétroleuses », catégorie injurieuse pour désigner celles qui après leur participation active à la défense de Paris auront rejoint l’insurrection de la Commune, où elles joueront à peu près le même rôle que celles du camp versaillais d’en face.
Que de souffrance collective une fois la paix signée, les centaines de milliers de prisonniers rendus à leurs foyers, les gueules cassées des blessés, le deuil des familles pleurant un proche ! La perte de l’Alsace et de la Lorraine, les 5 milliards de francs or à verser au vainqueur, les armements préfigurent les guerres totales du siècle suivant. Rien pour récompenser l’implication sans réserve de ces femmes restées anonymes pour la plupart : aucun changement des mentalités masculines, aucune reconnaissance civique du mérite déployé par leurs compagnes, seulement le retour à l’ordre social antérieur et les velléités féministes stoppées net.