Le Valais au Gosier de Grive
de Maurice Chappaz

critiqué par JPGP, le 9 janvier 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
La poésie des confins de Michel Chappaz
Le temps de confinement peut être celui non de l'égarement mais de recueillement. Il est l'occasion de la relecture d'auteurs précieux. Maurice Chappaz par exemple. Ouvrir un de ses livres presque au hasard reste toujours aussi saisissant. Pour preuve "Le Valais au gosier de vivre". S'il s'ancre ici et comme toujours dans le présent, celui pour qui l'âme suisse se partage «entre la fresque et le journal intime» crée un chant aux couleurs particulières puisque la poésie paysagère est en prise non sur ce qui est mais était.

En effet, celui qui fut pendant deux ans, aide-géomètre sur les chantiers du barrage pharaonique de la "Grande Dixence", puise dans une telle expérience industrieuse la matière du "Valais au gosier de grive". Le livre forme un diptyque implicite avec son "Chant de la Grande Dixence". A l'inverse de celui-ci, le premier joue de l'apparente naïveté et la douce ironie que l'auteur malaxe avec plaisir : "Le gouffre, on le pétrit, / les collines, on en presse le jus, / la caque et les parfums. / Pas besoin de se faire du souci ! / Les machines sont des poètes / qui n’ont pas peur d’aller jusqu’au bout."

L'auteur évoque la disparition des villages et des lieux noyés pour cause de modernité. En un tel inaccessible espace, il revisite des paysages plus lointains que les fenaisons de jadis comme il est revisité par eux. Maurice Chappaz marche sans attente, balaye les absences, s'enserre de vent. Sa poésie chuchote, rassure un peu plus que celle de Ramuz mais moins que celle de Jacottet. D'où la singularité et l'autonomie de l’œuvre. Songe et réalité se mêlent sans la moindre ostentation. A ce titre l'auteur du "Testament du Haut Rhône" rameute le son des nuages et le scintillement des eaux où se heurtent nos enfermements.

Jean-Paul Gavard-Perret