Les sources
de Marie-Hélène Lafon

critiqué par JPGP, le 3 janvier 2023
( - 76 ans)


La note:  étoiles
Atavique peur et impossible arrachement
A l'écoute de sa propre mère la narratrice raconte sa propre histoire et la sienne. Au nom d'un gouffre où l'écrivante s'enfonce à partir du divorce qui à l'époque était un scandale et faisait d'une femme une réprouvée.

Se crée à partir de ce point de rupture la force d'une échappée et d'une réorganisation du monde au moment de la mort du père. Tout cela se trame en quatrre dates et trois jpurs dans un travail de reconstruction autour d'un mécanisme atavique d'un implacable faisceau de rouages..

"Les sources" devient une dégringolade et un creusement dans un milieu agricole où la fille narratrice revient - sans rentrer dans la maison qui a été vendu et qui est pourtant un lieu fondamental pour elle puisqu'elle y pasa ses cinq premières années puis quelques autres moments.

Tout un monde est là qui n'est pas vu sauf par ceux pour lesquels des êtres travaillent et dont ils sont les témoins muets. Les interactions sont toutes fondées sur la peur là où l'inceste est la clé et où seul le masculin parle et grince une fois que mai 68 est passé par là et que le monde a changé . Mais sa violence "mâligne" vient aussi de là en dépit d'un respect pour certaines femmes .

Une permanence apparaît. Elle dépasse les seuls souvenirs de l'auteure. Son travail de la langue permet d'éviter tout surplomb, jugement ou pathos dans une inscription géographique précise et qui renvoie à une géographie intérieure. Celle d'une origine et d'une lutte intestine contre l'obscur.

Jean-Paul Gavard-Perret
« C’est difficile de toujours faire semblant » 10 étoiles

Un très court roman (un peu plus d’une centaine de pages) qui se déroule dans le Cantal.

Comment décrire cet excellent roman sans en dire trop ?

Trois parties de longueurs très inégales :
- 1967, la mère, bientôt trente ans, trois enfants, une ferme, trente-trois hectares, …
- 1974, le père
- 2021, une des filles

Trois parties dans lesquelles on reste spectateur, toutes les phrases étant à la troisième personne (« Elle », « Il » et finalement « Elle »)
Des phrases courtes.

La première partie, la plus longue, où l’on apprend très vite que la vie n’est pas facile pour cette femme :
« Elle est contente de descendre chez ses parents, elle voudrait être contente, on sera chez elle […] il n’aura pas le dessus »

Un excellent roman !

Ludmilla - Chaville - 67 ans - 26 février 2023


Le poids des traditions et origines 6 étoiles

Cette femme contemple cette ferme dont elle est devenue propriétaire, où elle a grandi. Les moindres détails lui reviennent, aussi pesants que nécessaires. Elle oscille entre la perpétuation et l'envie sourde d'évoluer.

Ce roman évoque le poids des traditions familiales, le caractère immuable des choses si simples et incontournables qu'elle semblent vous lier à vie, au point qu'il paraît si dur de s'en éloigner sans trahir, malgré des interrogations légitimes sur une évolution personnelle. Ce tiraillement entre tradition et velléités personnes semble résonner dans l'existence même de l'auteure. Il est touchant et intéressant qu'elle rende hommage à ses "sources", à l'humilité des gens de son territoire d'origine, certainement nécessaire. Après un air de déjà-vu rôde inévitablement dans l'ensemble de son oeuvre, et les interrogations de ce livre paraissent être les siennes, dans son existence autant que dans ses écrits, au point que ses lectrices et lecteurs finissent par les partager.

Veneziano - Paris - 45 ans - 5 janvier 2023