Ecce homo
de Gérard Mordillat

critiqué par Shelton, le 29 décembre 2022
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Un très bon roman...
Encore un livre que je souhaiterais vous proposer au moment où certains sont entrain de boucler leurs achats de fin d’année…Il s’agit du dernier ouvrage paru de Gérard Mordillat, Ecce Homo, aux éditions Albin Michel.

Au premier abord, ce roman peut sembler éloigné des critères requis (d’ailleurs, par qui ?) pour un bon et beau cadeau de Noël. Les grands amateurs de romance vont trouver cette histoire d’amour entre Lucie, Henri et Thomas, beaucoup trop complexe et que, de plus, étalée dans le temps sur plusieurs siècles, elle est quand même trop éloignée de ce que nous pouvons comprendre et accepter.

Ceux qui n’aiment pas l’Histoire (ils ont quand même tort car l’Histoire permet souvent de bien comprendre le présent et même d’appréhender plus justement l’avenir) pourraient prendre leurs jambes à leur cou et partir sans demander leur reste… Il est vrai qu’un roman divisé en trois parties – une se déroulant au XIV° siècle, une au XIX° siècle et une dernière au XXI° siècle – incarnées dans trois périodes distinctes de l’Histoire de l’Humanité peut déstabiliser certains lecteurs…

Ceux qui n’aiment pas voyager en seront pour leur frais car avec La Champagne, la Palestine, le Nord de l’Italie et les Etats-Unis (et encore on n’évoque ici que l’essentiel), on ne va certainement pas rester enfermé ni dans sa chambre, ni dans sa tombe, ni dans son suaire… On va voyager !

Mais venons-en au fond du roman lui-même, histoire de faire partir certains qui n’ont pas encore jeté l’éponge… Il est question du linceul de Turin, je n’ai pas parlé du linceul du Christ ou du Saint Suaire… Il faut dire que Gérard Mordillat ne se place pas en homme de foi ou de combattant d’une église. Il se positionne en être humain qui va lire les textes. Le texte est son seul outil de réflexion sur ce suaire, enfin si l’on peut dire sans vouloir réduire la puissance de sa pensée…

Pour son roman, il met en place un mécanisme assez simple, compatible avec les écrits, crédible, qui va expliquer ce que peut être ce linceul et pourquoi il ne peut en aucun cas avoir contenu le corps d’un crucifié du début de notre ère… Exit donc les catholiques inconditionnels de ce « Saint-Suaire », exit aussi pour des raisons différentes tous ceux qui se soucient de ce linceul comme d’une guigne…

Mais maintenant que tous ceux qui voulaient partir ont bien déserté librairies et bibliothèques, il est grand temps de présenter ce roman dans toute sa force et, pour moi, c’est bien un excellent roman que nous avons en face de nous. Il s’agit d’abord d’un grand livre pétri d’humanité. Les trois personnages principaux, Lucie, Thomas et Henri, sont les acteurs de la vie confrontés aux grands éléments et leur incarnation dans des époques différentes ne change lien à cela… La vie humaine est toujours en mouvement ou dynamique par le pouvoir, l’amour, l’argent… Oui, la foi existe bien mais souvent elle est source de pouvoir, d’argent et permet même l’amour dans certaines circonstances…

Le quatrième personnage de ce roman est indiscutablement le suaire lui-même. Cet objet mystérieux va évoluer devant nous à partir de sa création jusqu’à son exploitation, son exposition, sa révélation…

Certains mots qui l’accompagnent, révélation, exposition ou négatif d’une image, sont des mots parfaits pour donner conscience de ce que peut être une image… Mais une image est-elle une vérité ?

Gérard Mordillat, homme d’image, se devait d’écrire son roman sur cette image. Pour lui, dire qu’elle a été inventée au XIV siècle n’est pas si négatif que cela. Ce qui compte est de voir l’évolution de cette image dans le temps et sa perception par les hommes, même les pires ! En homme de lettres (ce n’est pas incompatible avec l’homme d’image), il laisse le lecteur partir à la recherche de la vérité et se faire sa propre image de la vérité… Mais comme le disait Ponce Pilate, qu’est ce que la vérité ?

Il s’agit aussi d’un roman politique car ce linceul est souvent associé au pouvoir et mène aux excès pratiqués par les ordres religieux mais aussi certains grands de cette planète… Trump lui-même fait son apparition dans la dernière partie du roman.

Et il y a encore beaucoup dans ce roman, Ecce homo. Je ne vous ai pas tout dit, loin de là et le lecteur sera fasciné, surpris, émerveillé, secoué… Vous allez pouvoir par la suite profiter de bonnes discussions au coin du feu (si la météo est trop clémente, n’allumez pas le feu !)…

Un livre à lire, partager, prêter et offrir !!!