Avant la nuit
de Reinaldo Arenas

critiqué par Sahkti, le 23 octobre 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Morceaux d'une vie
Reinaldo Arenas est connu, très connu. Sa sexualité trépidante, son rejet du communisme ou de Castro, ses dissidences. Arenas possède un style auquel on s’est habitué, des propos qu’on attend avec plaisir. Est-ce en cela qu’à plusieurs égards son autobiographie peut heurter ?
Ce "Antes que anochezca", c’est avant tout le récit du quotidien et il me semble évident que le récit d’un homme malade, se sachant condamné, ayant vécu tous les excès et connu toutes les privations ne peut être qu’un quotidien violent, qu’il nous livre morceau par morceau, comme il le vit et surtout comme il le ressent. La douleur, la misère humaine, la détresse face à une mort qu’il sait programmée, tout cela l’a sans doute poussé à livrer des souvenirs intenses et violents, des tranches de vie qui lui prouvaient qu’il avait bien vécu. Etait-ce un regret, un testament, un exutoire ? Sans doute un peu tout cela à la fois, mais il fallait que ce testament soit à l’image de l’auteur : excessif. Si on peut s’emballer par l’histoire d’un adolescent qui quitte tout repère familial pour rejoindre la guérilla castriste et suivre la vie de l’auteur chapitre après chapitre dans un ordre parfois décousu (enfin il me semble), on peut ressentir un malaise face à cette sexualité qualifiée de débridée qu’on retrouve de plus en plus présente. Que ce soit de la découverte précoce de l’homosexualité, découverte à laquelle on assiste d’un œil extérieur, à ces excès sexuels dans lesquels nous sommes partie prenante tant l’auteur leur accorde de l’importance. Sa sexualité était pour lui, comme j’ai pu comprendre, le moyen de s’affirmer, de se libérer, de franchir les limites de l’interdit, une sorte de bravade contre le pouvoir en place qui s’est symbolisée par une sexualité à outrance, contraire à la bonne morale en place.
Un peu de mal à dépasser ce malaise ressenti face à toutes ces histoires à caractère sexuel, une lecture par morceaux a permis de diluer l’effet de trop plein et d’apprécier à leur juste valeur les portraits tracés par Arenas : Padilla (que de force et d’amour envers cet écrivain déchu de la part de Reinaldo Arenas !), Fuentes, Lezama et tant d’autres.

Ce livre comporte des moments difficiles, des passages durs, mais également des instants de tendresse, comme cette histoire de lettres amoureuses qu’Arenas écrivait pour des détenus lorsqu’il était en prison. Ces lignes consacrées à l’enfermement, à l’univers carcéral sont tellement fortes et emplies d’émotion qu’on croit pleurer en même temps qu’Arenas, c’est violent et dérangeant.

Ce qui m’a surtout frappée dans ce récit, c’est l’omniprésence de la mort, son odeur qui rôde à chaque instant. Peut-être est-ce parce que je la côtoie de trop près depuis trop longtemps que j’y ai été plus sensible, mais je me suis sentie emportée, dominée, complètement vouée à l’impuissance. Une mort que Arenas aborde avec lucidité, un brin de cruauté, souvent de manière poétique. La mort est là depuis le premier jour, dans les amis, les proches, la famille, les inconnus, les innocents… partout où elle peut se glisser, Arenas la rencontre.

Puis jamais Arenas ne perd de sa verve, de sa causticité, acidité sans doute rendue plus intense à cause de l’issue fatale qui se rapproche. Est-ce un règlement de compte ? Peut-être, mais pas avec les autres, plutôt avec lui-même, histoire d’aplanir les doutes et de structurer ses pensées, de ranger toutes les petites cases de la mémoire avec le grand départ.
Cela donne des passages étonnants, tel celui-ci : "L’un des cas d’injustice intellectuelle les plus flagrants de notre époque fut celui de Jorge Luis Borges, auquel on a refusé le Prix Nobel, simplement en raison de son attitude politique. Borges est l’un des écrivains latino-américains les plus importants du siècle ; le plus important peut-être ; néanmoins le Prix Nobel fut attribué à Garcia Marquez, pasticheur de Faulkner, ami personnel de Castro et opportuniste-né. Son œuvre, en dépit de certains mérites, est imprégnée d’un populisme de pacotille qui n’est pas à la hauteur des grands écrivains qui sont morts dans l’oubli et qui ont été mis à l’écart."

Au final, j’ai eu l’impression de lire le portrait d’un homme profondément malheureux, nourri de regrets, non pas par rapport à ce qu’il avait vécu mais plutôt par rapport à ce qu’il aurait voulu vivre.
Intense 9 étoiles

Wow ! C’est cru, cruel, dur à lire, mais c’est tellement fort ! L’écriture est très intime, l’auteur se dévoile à nu. Mais si, comme dans tous les livres, il faut en prendre et en laisser, ça nous fait réfléchir sur le régime castriste :

« La différence entre le régime communiste et le système capitaliste ? Tous les deux nous donnent des coups de pied au cul, mais dans le système communiste tu dois applaudir, tandis que dans le capitaliste tu peux gueuler : je suis venu ici pour gueuler. »

Je n’ai pas encore lu de livres de Reinaldo Arenas, mais c’est définitivement dans un avenir rapproché. J’ai lu Avant la nuit parce que j’avais aimé l’adaptation cinématographique avec Javier Bardem. Ce n’est vraiment pas la même chose, mais j’adore les deux.

Nance - - - ans - 5 août 2008


un livre bouleversant 7 étoiles

une lecture conseillée à tous ceux qui veulent connaitre la vérité sur l'horreur du regime castriste.
il nous raconte la montée du castrisme, la prise de pouvoir, les tortures, les exactions contre les droits de l'homme, ect...

le livre est parfois difficilement supportable, mais c'est un devoir de le lire.

je n'irai jamais à Cuba tant que ce regime criminel sera en place.

Prince jean - PARIS - 50 ans - 19 mars 2007


révole 8 étoiles

Superbe témoignage sur le régime castriste. Écrit avec fureur, il exhote son désir de "Liberté.
Malgré la faim, la prison,et la censure, il livre un appel à la révolte et à l'espoir.

Ghost - - 35 ans - 23 juillet 2005


l'appétit de vivre 9 étoiles

Contrairement à Sahkti, avec "Avant la Nuit" je n'ai ressenti aucun sentiment de trop plein qui m'aurait poussé à fractionner la lecture. Au contraire, je l'ai lu d'une traite, en un w-e, ce qui est pour moi extrêmement rare.

Dans cette autobiographie plus ou moins romancée, tout foisonne. Comme cet enfant nu qui va jusqu'à manger la terre au début du livre, "Avant la Nuit" reste pour moi un hymne à la vie, à l'appétit de vivre, à la boulimie de vivre jusqu'à toutes les extrémités, par le sexe, l'écriture, la dissidence et l'opposition politique, malgré la fuite et l'exil. Triste exil puisqu'aux Etats-Unis, Arenas croisera la misère, puis la mort... L'isolement géographique et politique de Cuba ayant en effet eu l'avantage de garder les maladies mortelles à distance, choses auquelles Arenas sera fatalement confronté dans les rues de New-York.

Alors ? Pourquoi lire "Avant la Nuit" ? Pour être galvanisé par un appétit de vivre décuplé par la menace omniprésente de la mort.

B1p - - 50 ans - 25 octobre 2004