Magali Reus
de Claudia Comte

critiqué par JPGP, le 24 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Les mises en pièces de Claudia Comte
assacre à la tronçonneuse
claudia-comte.jpg« Claudia Comte », Textes de Fanni Fetzer, Chus Martínez, Matthieu Poirier, entretien avec Claudia Comte, JRP/Ringier, Zurich, 2017, 160 p., 40 E.

Originaire du petit village perdu de Grancy dans le canton de Vaud, élève de L’ECAL, Claudia Comte vit désormais à Berlin. Elle n’oublie pas pour autant le chalet de bois de ses origines où elle appris le plaisir de cette matière vivante. Son œuvre joue de l’environnement naturel et de l’esthétique rustique qu’elle les détourne avec ironie. Elle mixte les montagnes jurassiennes à celles de l’Ouest américain découvertes lors qu’un voyage avec ses parents et ses frères. Entre farce et rigueur, par ses gravures, peintures, sculptures, installations, vidéos, elle poursuit un travail où l’atmosphère des films l’horreur jouxte le cartoon. S’y croisent totems, oreilles de lapin, onomatopées écrite en lettres matérialisées là où Pop et Op arts se croisent, de même que l’art concret et expressionniste abstrait.

Adepte de la tronçonneuse, la Vaudoise est une parfaite iconoclaste. Elle travaille le bois entre autres pour les plaisirs olfactifs que ce matériau dégage. Quant à l’outil, il lui permet de travailler vite et bien : « . Je ne m’imaginerais pas tailler mes sculptures avec un ciseau à bois.» dit-elle. Et elle passe rapidement de la conception de formes et de projets sur l’ordinateur à la réalisation « motorisée » dans un besoin compulsif de créer. Mais sous l’aspect farcesque des réalisations se cache un processus de conception très élaboré et l’œuvre est désormais très éloignée de son « étude de formes patatoïdes à l’effet comique, inscrites dans le système strict et rigoriste d’une grille » créé pour son diplôme à l’ECAL.

Existent désormais divers symptômes de métamorphoses d’origine élémentaire mais de nature quasi magnétique et en proie à des postulations contradictoires L’obsession joue entre le hideux et la beauté en une forme de majesté qui rappelle paradoxalement et dans la rudesse l’atmosphère de Lautréamont et son penchant pour les contraires qui s’attirent. L’ironie reste en contact avec une puissance et des présences indéterminées, une substance où la plénitude prend des chemins de traverse entre pacification et violence. Nature et matériaux jouent comme des stimulants : le « je » humain de l’artiste y trouve accès à une expérience autant personnelle que mythique. Elle oblige peut-être l’artiste à se reconnaître sous le jour le plus étranger.

Jean-Paul Gavard-Perret