Le fictionnel et le fictif: Essai sur le réel et les mondes
de Eric Clémens

critiqué par JPGP, le 24 décembre 2022
( - 76 ans)


La note:  étoiles
Eric Clémens : en avant, marche
"Le fictionnel et le fictif" propose des réflexions sur le rapport, complexe entre réel et langue, la réalité et la fiction. Wilde, Derrida, Platon, Socrate, Lacan, Prigent, Deguy, Kant, Husserl, Godard, Rimbaud, Nancy deviennent des butoirs qui permettent à Clémens de prouver que le mot ou le concept juste ne sera toujours que juste un mot ou un concept.

Dès lors l'auteur se demande comment contre-injecter dans la société l’expérience de poésie et de la fiction. Mais le choix de ne "faire" que le poète ou le littérateur reste insoutenable. Qu'importent les étoilement des plans, les variation des focales. En multipliant les tentatives de nominations savantes et les départs avortés de la fiction rien néanmoins ne change. Plutôt aller estime l'auteur où ces savoirs a priori ne font pas loi et laissent le non-savoir ouvrir la pensée. Mais pas n'importe comment : d'autant qu'entre les pratiques réelles d'écriture et leurs tonitruantes déclarations de radicalité un obstacle résiste par paresse, ruse ou inconscience.

Clémens ouvre des perspectives inattendues en confrontant son écriture au politique, à la philosophe et la sciencee, comme au littéraire, à l'artistique, et la psychanalyse dans l'attrait pour la langue et les langages. Il se plait à s'opposer aux dualismes sommaires : réalisme et fiction, réel et imaginaire, corps et esprit, intuition et raison. Il les dépasse même - ou parce que demeurent toujours deux présences : l’entièreté des faits, des événements et la réalité, les mondes inventés dans et par la langue et issus de la capacité humaine à rythmer le langage et se laisser entraîné par lui par les mots ou les images.

Mais passer d’un monde déjà vu, déjà dit ou donné à un monde inconnu, inouï ne va pas de soi. Néanmoins les sommations du monde telles que la politique, l'économie, etc. ne doivent pas couper le sifflet aux créateurs et les faire tomber dans "la macération désœuvrée" (Prigent), le "désoeuvrement" (Blanchot) ou dans l’apitoiement narcissique, les désirs ramollos voire le silence. Haro aux délicatesses et place à la lutte contre l’incompréhensible pour lui faire cracher son magma. Il y a donc bien du travail à faire

Jean-Paul Gavard-Perret