Théâtre
de Georges Feydeau

critiqué par JPGP, le 22 décembre 2022
( - 76 ans)


La note:  étoiles
A l'aube de l'absurde
Le théâtre bourgeois gronde parfois d’une violence sourde. Comme s’il fallait aller au bout d’un certain épuisement du langage quotidien pour faire dire à une "bad comedy" dégagée de toute esthétisation sublimée, l’inadéquation des êtres imprudents, prétentieux, idiots ou gandins. Le tout dans la jubilation clownesque d’une verve comique rare. Dans le genre il n'existe rien d'aussi réussi que le théâtre de Feydeau.

Les personnages de l'auteur ne sont jamais des fantoches. Ils gardent tous une personnalité qui les renvoient à des situations certes burlesques mais qui pourraient facilement tomber dans le tragique. C'est pourquoi la paradoxale jeunesse (rarement perçue) de l'oeuvre régénère l’énonciation théâtrale en la retrempant en une "parlure" en difficulté ou en désaccord avec les situations. C'est ce qui arrive dans "La puce à l'oreille" ou "Occupe toi d'Amelie", personnage qui ne se préoccupe en rien de la moindre homélie : elle a d'autres paroissiens à gérer.

Dans des dérives langagière - imitations exotiques du parler dominant - surgit d'une altérité des classes et des situations sociales, les indices d'un bouffonnement vital. Celui-ci indique qu’il existe dans toute langue contractuelle un non-dit et de l’innommable. Ils se nomment l'incompétence notoire de ceux qui dans de telles pièces, en perdant le fil font que toute logique se desserre. Preuve qu'avec Feydeau le théâtre de l'absurde était déjà en marche.

Jean-Paul Gavard-Perret