Gravity is stronger here
de Alison Morley

critiqué par JPGP, le 18 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Phyllis B. Dooney : les attentes
Avec « Gravity Is Stronger Here » Phyllis B. Dooney crée le visage documentaire et poétique d’une Amérique hors de ses gonds où le lesbianisme se revendique comme tel. De même que la pression de la pauvreté et de la violence. C’est dans Greenville (Mississipi) et par le portait d’une famille (les Brown)que la créatrice a filé son enquête. Le lieu est caractéristique des « boom towns », ces villes-champignons fruits de la nouvelle donne d’un monde où « la gravité est plus forte ». L’amour homosexuel comme celui plus évangélique de Dieu, l’espoir et le désespoir cohabitent au coeur des vies en dérive.

Phyllis B. Dooney mêle de près ou de loin sa propre histoire à celles qu’elles dévoilent et où les êtres expriment visuellement ce à quoi ils sont confrontés ou croient. Il suffit de la fumée d’une cigarette, de paysages incertains pour faire ressentir l’humanité. La tendresse tente de s’y faire une place. Le temps semble redevenir humain dans cette narration au milieu des souffrances et au moment où la créatrice casse l’incapacité à raconter de ceux qu’elle montre tels qu’ils sont.

Les photographies paraissent parfois les formes vides de l’espérance mais s’y enracinent toutefois la capacité de poursuivre. L’image permet non seulement de la représenter mais l’étaye, riche de l’expérience de l’artiste qui la montre, la clarifie au côté de Jardine Libaire. Elle prouve que le changement des « paysages » ne modifie pas forcément celui des conduites. Le temps semble identique avant et après un tel récit et ses aperçus des bribes d’êtres et de choses qui passent devant la nymphe punk. Elle accorde une beauté à ce qui l’emporte dans ce voyage au cœur de ce qu’on nomme l’Amérique Profonde du Delta. L’œuvre ne se contente pas d’esquisser un sentiment de perte et d’attente d’amour et d’estime de soi, elle les fait perdurer en une sorte d’appel.

Jean-Paul Gavard-Perret