Moderne Poesie in der Schweiz
de Roger Perret

critiqué par JPGP, le 17 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Roger Perret et la poésie suisse
Roger Perret offre en édition bilingue une anthologie majeure de la poésie suisse. On s’étonne du peu d’intérêt qu’elle suscite. Mais ce silence répond sans doute à la question : « Qui lit de la poésie en 2014 ? ». Les chiens hurleurs ont mieux à faire qu’à écouter les échos du bruit mystérieux de l’univers. Qu’importe : les poètes réunis ici les font surgir à la lisière de diverses cultures. Ils deviennent les étranges poissons volants sur le lac Léman ou celui de Bâle. L’anthologie prouve que la poésie n’est pas le piteux rendez-vous des cœurs brisés. Elle a mieux à faire. Y vivent des « marchandises » du monde dont les auteurs se font dockers et grutiers. Ils retroussent leurs manches pour pêcher leurs pépites non seulement où dorment les sirènes mais dans les hardes et scories de la ville. A ce titre les lecteurs de l’anthologie découvriront un des plus grands poètes non seulement suisses mais de la francophonie et du temps.

Voyageur de bien des rives, amateur de Lowry et de Pérec le Lausannois Marcel Miracle par son écriture et ses graphismes permet de comprendre l’univers à l’épreuve des pierres. Pas celles de lune mais des déserts comme des pays du Haut Rhône. Archéologue sublime, le poète tire de ces objets statiques sans signification apparente la condition galopante du monde. Pour le soulever il n’est plus besoin de vélins hydrauliques : la poésie suffit à celui qui sur le terrain écoute le monde crépiter. Elle « déjoue les apparences du fini non par la magie mais par l’observation » dans « l’attente du déferlement de cette vague qui surgit du lointain ici et maintenant pour affronter le mystère du regard ». Marcel Miracle devient le griot scientifique. Mais il ne joue pas les sages et chatouille au besoin les saules pleureurs sous leurs branches pour les tordre de rire. Puis une bougie à la main il développe des équations dans l’Y des cuisses des femmes les plus fortiches en mathématiques. Rameur de bateau ivre, mangeur des fruits du hasard le poète fait donc bonne garde, « en limier toujours fin » (Christian Bernard), face à ce qui se dérobe sous la terre comme sous les bas.

Jean-Paul Gavard-Perret