L'Histoire splendide
de Guillaume Basquin

critiqué par JPGP, le 16 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Les tentatives et tentations de Guillaume Basquin
En diverses compositions phoniques et phonétiques mais où le sens est la seule marche à suivre, Guillaume Basquin rappelle que la parole - comme une robe- est inséparable du corps qu'elle contient mais le transforme. Dès la première partie de ce corpus, l'auteur avec sa verve et par l'écheveau de strates coupe, évacue, élague ou ajoute des froufrous. Face à une tradition basée sur une sémiotique de l’être qui se confond avec son dire, Basquin montre comment le langage fait pression quand il n'est qu'un "pour faire en sorte que".

L’injonction que propose l'auteur ne semble demander, ni acquiescement ni réfutation. Elle devient au besoin la volontaire "exagération du mal" pour qu'il sue, voire rende l'âme au sein des fragments de celui qui se présente comme "un faiseur de notes invétéré" et "Roi livre". Par les marges qu'il ouvre se produit la mise au tombeau de bien des écritures préformatées. Au "J’ai cru et j’ai parlé" de Saint-Paul (Seconde lettre aux Corinthiens), Basquin oppose sa propre règle : passé un certain point "il n'y a que la rigolade et le cimetière".

Basquin.jpgIl rappelle que chercher à savoir ce que parler veut dire fait est l'essence de l'écriture. Pour autant beaucoup - par peur, politesse ou autres fonctions relationnelles ou sécurisantes - feignent d'enregistrer ce qui est de "situations" comme le fit Sartre. Guillaume Basquin prétend à mieux : à la parole dans la parole. Et au besoin le contenu verbal peut se trouver démenti au direct de son énonciation. Si bien qu'en un tel livre-monde se pose le problème du langage en tant que séparation, distance et interruption du monde tel qu'il est donné à lire. Cela appelle à la veille incessante que l'auteur déploie.

Jean-Paul Gavard-Perret