Dégraissez-moi ça ! Petite balade dans le cauchemar américain
de Michael Moore

critiqué par Heyrike, le 17 octobre 2004
(Eure - 57 ans)


La note:  étoiles
Wild American Show
Avec sa gouaille habituelle, Michael nous entraîne à la découverte du paradis Américain. Oui, tout à fait, vous avez bien lu, le PARADIS. Pour beaucoup l'Amérique est et restera un fantasme et encore de nos jours perdure l'idée que tous les rêves y sont possibles. Bon effectivement pas les rêves de tous, mais après tout qu'est ce que cela peut bien faire si une grande partie de la population ne bénéficie pas des fruits de ce paradis, pour eux ça serait plutôt "pas-un-radis". Un paradis dont les morceaux de choix sont exclusivement réservés aux capitaines d'industrie (qui s'enrichissent en délocalisant), aux spéculateurs (conseillés en délocalisations auprès des capitaines d'industrie), aux politiciens ambitieux (comprenez qu'ils roulent pour les capitaines d'industrie et obéissent servilement au diktat des marchés financiers) et sans oublier tous les serviteurs de l'establishment qui luttent avec vigueur pour préserver les intérêts de tout ce petit monde de nantis. Et, comme vous l'aurez compris par vous-mêmes, dans ce club très sélect, le peuple, même tenu en laisse, n'est pas le bien venu.

Le début un peu provoc de cette critique c'est histoire de vous donner un petit aperçu sur le ton du livre. L'auteur ne s'encombre pas de rhétorique et de périphrases pour manifester son mécontentement sur le régime Américain, quitte à user de grosses ficelles pour mieux dénoncer les dérives politico-financières dont est victime son pays depuis quelques années. Il est vrai que l'on peu parfois lui reprocher de caricaturer certains aspects des faits qu'il aborde, mais cela a le mérite d'être explicite et d'aller droit au but, une sorte de frappe humoristique chirurgicale.

Malgré certains défaut dans la manière de mettre en forme ses arguments pour pourfendre le mensonge qui absorbe nos sociétés dans des concepts inhumains, le discours de Michael reste très prégnant et reflète son irrésistible envie d'ouvrir les yeux de ses concitoyens sur les tares d'une société étouffée par le cynisme mercantile des "maîtres de l'univers". Alors ne bouder pas le plaisir d'une "petite ballade dans le cauchemar américain".

"J'ai horreur des assistés. Des feignants, des incapables qui attendent de l'Etat-providence sans rien donner en échange. Ils s'imaginent que leurs concitoyens sont là pour les tirer d'affaire au lieu de se bouger les fesses et de se prendre en charge. Toujours en train de quémander, ils comptent sur nous, travailleurs assidus et honnêtes contribuables, pour fermer les yeux sur leurs agissements. Et, en plus, ils se reproduisent. Combien de temps allons-nous encore le supporter le comportement indigne de ces nababs assoiffés de subventions ? Chaque année, ces parasites empochent sous diverses formes près de 170 milliards de dollars d'aide aux entreprises, somme financée par nos impôts et destinée à couvrir les dépenses qu'ils pourraient très bien prendre eux-mêmes en charge. […] Ce qui revient à dire que chacun d'entre nous débourse 1388 dollars par an pou faciliter la vie aux rupins ! En revanche, si on additionne la totalité des programmes sociaux financés par le gouvernement fédéral, on arrive à un chiffre de 50 milliards de dollars par an, soit seulement 415 dollars par contribuable – un peu plus d'un dollar par jour et par personne."
Chroniques du meilleur des mondes 7 étoiles

La quatrième de couverture compare Moore à un Coluche américain, ce qui me semble injuste, parce que le livre vaut mieux que ça. Avec l'humour et la dérision qu'on lui connaît, il nous promène à gauche et à droite, surtout à droite dans le rêve américain, en donnant quelques coups de patte aux PDG qui touchent des pactoles pour délocaliser leur entreprise. Rien de bien nouveau dans tout ça, et le côté gauchiste-histrion-redresseur de torts de Moore est plaisant. L'ultra-droite américaine en prend plein la gueule, avec ses condamnations morales, son hypocrisie, sa morale à deux balles qui condamne le petit truand paumé et laisse impuni le patron délocalisateur responsable d'une misère économique qui engendre la violence. Mais vous savez quoi? Je crains que cette extrême droite s'en foute, et ne laisse Moore vociférer, un peu comme les princes de jadis laissaient leur bouffon se moquer tant qu'ils voulaient. Cause toujours...

Leura - -- - 73 ans - 4 août 2005