Godard / Machines
de Collectif, Stephan Crasneanscki (Dessin)

critiqué par JPGP, le 15 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Les objets filmiques de Godard
Limiter Godard à sa maîtrise technique serait la meilleure excuse pour ignorer l'essentiel : son don de regard capable de donner au monde par l'image en mouvement une poésie particulière. Néanmoins la passer sous silence serait ignorer tout ce que Godard a apporté au cinéma. Elle lui a permis - entre autres par sa connaissance et son intérêt pour des objets techniques nouveaux - de gagner son autonomie et de créer bien des innovations. De petites caméras, le numérique, le téléphone (dont il se sert dans " Film Socialisme ") lui permettent de devenir le créateur dégagé des contraintes économiques qui entravent trop la liberté des cinéastes.

Ce livre étudie les usages des objets techniques filmés, les tables de mixage pour les " Histoires du cinéma ", et tout ce qui échappe aux simples effets de mode et donc au vieillissement imposé par les impératifs de la production. Ces objets entrent totalement dans la création du film. Néanmoins l'écriture cinématographique ne se laisse pas phagocyter par ces prothèses. Les films de Godard interrogent et critiquent les outils nécessaires à la réalisation en passant d'une création personnelle à parfois une création collective. Perpétuel éveilleur éveillé Godard même s'il ne filme presque plus se confronte toujours aux objets artificiels qui permettent de montrer plus en montrant autrement. Le tout dans un point de vue qui échappe à l'attraction des formes récurrentes.

Le numérique lui donne la possibilité, depuis " Éloge de l'amour ", et en reprenant son langage de presque toujours , d'accorder au "film" un sens plus extensif par l'exposition de diverses réalités dans le même cadre. Godard y ajoute les échos des mots, des timbres des voix, etc. Le tout dans les évolutions réciproques des histoires et de la forme, de la théorie et de la pratique sans se limiter à de simples dialectiques. Si bien que le "juste une image" devient plus qu'ailleurs non seulement une image juste mais belle. Et c'est ce qu'on peut reprocher à un tel livre : ne pas appuyer suffisamment sur ce point essentiel.

Jean-Paul Gavard-Perret