Lettres à Jeanne Rozerot : 1892-1902
de Émile Zola

critiqué par Alcofribas nasier, le 16 octobre 2004
( - 54 ans)


La note:  étoiles
Portrait intime
Les deux cent sept lettres d’Emile Zola à Jeanne Rozerot publiées dans la prestigieuse collection NRF de Gallimard sont inédites ; à peine quelques extraits avaient-ils déjà parus dans des ouvrages spécialisés.
Cette correspondance de Zola à sa maîtresse était attendue des amateurs. Ils ne seront pas déçus. Mais, autant le dire tout de suite, il n’y a pas, dans ces lettres, la liberté de ton d’un Flaubert écrivant à Louise Colet.
La première lettre est datée de 1892 et la dernière de 1902, année de la mort de Zola. Mais l’histoire d’amour, car c’en est une, entre Emile Zola et Jeanne Rozerot date de 1888 (les lettres de 1888 à 1891 ont été détruites par l’épouse de l’écrivain lorsqu’elle apprit la liaison de son mari).
A cette époque Emile Zola est un écrivain célèbre : il vient d’écrire Germinal (1885), La terre (1887). Ses romans sont lus dans toute l’Europe et même au-delà.
Son épouse, Alexandrine, dont il n’a pas eu d’enfant, embauche à l’été 1888 une jeune lingère : Jeanne Rozerot. Emile Zola et la jeune fille vont s’aimer dès cette époque, en cachette, à l’abri des regards de l’épouse. Il est le plus grand écrivain de son époque ; elle est d’origine paysanne. Il est riche, elle est pauvre. Il a 48 ans, elle en a 21. De cet amour naîtront deux enfants Denise en 1889 et Jacques en 1891.
Il est évident que lorsque Alexandrine Zola a découvert le double ménage de son époux elle est entrée en fureur. Le couple a traversé d’importantes crises dont celle de 1892 par où s’ouvre le recueil. Ces lettres sont souvent le reflet du chaos conjugal de l’écrivain. Au fil du temps, les deux époux trouveront un modus vivendi, Alexandrine recevant les enfants de son mari avant de les autoriser, après la mort de celui-ci, à porter son nom.
La correspondance se fait donc l’écho des ces troubles mais aussi des préoccupations de Zola, papa attentif à la santé et à l’éducation des ses enfants.
Les 87 lettres de l’exil en Angleterre, après la parution de J’Accuse ! en janvier 1898, sont très importantes. L’on y voit un Zola parfois triste d’être aussi loin de sa famille, mais aussi un Zola combatif et attentif aux moindres choses du confort quotidien des siens.
On voit également que, malgré, l’éloignement et le peu de contact avec la France, Zola est très clairvoyant sur l’évolution judiciaire de l’Affaire…. Il l’est parfois plus que d’autres acteurs du drame.
L’image de Zola qui ressort de la lecture de cette correspondance est celle d’un père de famille tiraillé entre l’épouse légitime, compagne de tous les combats et la mère de ces enfants. Ces lettres sont remplies d’amour et de passion, de bonté et de gentillesse. C’est un portrait authentique et émouvant du grand écrivain.