Qu'est-ce que la littérature ?
de Jean-Paul Sartre

critiqué par Drclic, le 15 octobre 2004
(Paris - 48 ans)


La note:  étoiles
Découverte, erudisme et reflexion
Voila la réflexion d'un homme qui déclarait que la littérature devait être engagé.
Il retrace l'histoire du roman et des ecrits sous l'angle de la lutte des classes.
L'ecrivain décrit, donc critique. Il n'est pas pour l'ordre établit et ne permet pas son maintien.
Il replace l'ecrivain et son intention dans son contexte et l'explique.

Attention, c'est un essai, il faut etre disponible pour le lire et l'aprecier. Il ne se lit pas facilement.

Bonne lecture.
Le défaut de Sartre ? 6 étoiles

La littérature doit-elle être engagée ? Retracer son histoire sur base de la lutte des classes est-ce représentatif de la littérature ? Voilà deux énormes questions !...

Une chose évidente est que la littérature ne peut être séparée de l'homme sans perdre son sens. Coller à l'homme, a sa vie, à ses bonheurs et malheurs, à ses envies et ses frustrations, ses peurs et les difficultés de sa route, me semble être l'utilité première de la littérature, outre le style.

Est-ce cela la lutte des classes ? L'homme se lirait vraiment au travers de ce critère ? Peut-on le ramener à ce critère ? Cette idée me semble bien conforme aux engagements de Jean-Paul Sartre.

Oui, il existe de nombreuses oeuvres qui ont pour but de décrire une lutte de classe ou les difficultés des plus pauvres face aux riches. Nous pourrions commencer par les encyclopédistes qui souhaitaient une plus grande liberté et une plus grande égalité entre les hommes. Nous pouvons y classer "Les Thibault" de Roger Martin du Gard, "La condition humaine" de Malraux, n'en déplaise à Sartre (il va en frémir dans sa tombe) "Le voyage au bout de la nuit" de Céline.
Sur base de ce critère "Le rouge et le noir" deviendrait aussi un livre sur la lutte des classes... Etait-ce l'idée de Stendhal ?
Je n'en suis vraiment pas convaincu !

Par contre, peut-on classer les livres luttant contre la dictature nazie ou fasciste dans cette catégorie ?... A mon avis, non. Ils ne luttent pas dans un contexte de classes, mais bien de liberté, de refus de l'asservissement des hommes en général.

Et que dire alors de toutes les autres oeuvres ? Celles qui ne touchent en rien à ce problème, ou peu ? L'ensemble de l'oeuvre de Céline ne peut pas être classée ainsi, ni celle de Dostoïevski, de Kafka, d'Hemingway, de Faulkner, Rimbaud, Baudelaire, Apollinaire, Radiguet, Cocteau, Yourcenar, Gide, Giono, Kadaré, Harrison, Roth, Auster, Nietzche, Duras, Scott Fitzgerald, Bellow, Nabokov et combien d'autres !... A défaut d'être engagés dans la lutte des classes, ils seraient tout à fait secondaires et n'auraient pas fait de la littérature selon Sartre ?...

La littérature selon la lutte des classes enferme les passions des hommes dans un seul critère et tente de faire de celui-ci un être qui ne serait orienté que vers cela. Nous sommes nombreux à penser que cela est bien réducteur !... En outre, c'est la voie royale pour asservir la littérature à ces objectifs et à ceux qui les défendent. Or, l'art en général, ne produit pas de bien grandes choses dans un tel climat de réduction de la pensée.

A mes yeux, le "Guernica" de Picasso, bien que peint sous le coup d'une émotion bien déterminée, est, avant tout, le plus grand cri de douleur poussé par l'homme exprimé sur une toile. C'est la manifestation d'une douleur sans classes, une douleur universelle devant l'horreur qui pourrait être imposée à n'importe quels hommes et par n'importe quel régime, de classes ou non !

C'est cela la peinture, la littérature et l'art: l'universel !

Cela n'empêche que certaines oeuvres magistrales puissent avoir une telle connotation, mais elles ne représentent qu'une partie d'un tout bien plus vaste et indispensable.

Jules - Bruxelles - 80 ans - 26 novembre 2004