Mussolini
de Luca Blengino (Scénario), David Goy (Scénario), Andrea Meloni (Dessin)

critiqué par Vince92, le 29 janvier 2024
(Zürich - 47 ans)


La note:  étoiles
Un Duce versatile
Glénat et Fayard poursuivent dans leur collection "Ils ont fait l'histoire" la vie des grandes figures de l'histoire mondiale. Mussolini mérite bien d'être le sujet d'un tome dans cette collection, lui qui est l'inventeur d'une nouvelle voie politique qu'est le fascisme.
Dès 1922 et à l'issue de la célèbre Marche sur Rome de ses chemises noires, Mussolini force le roi Emmanuel II à le nommer à la tête du gouvernement. Le livre s'ouvre sur cet événement et examine les réalisations, les difficultés et les orientations politiques du Duce tout au long de son gouvernement et jusqu'à sa fin tragique en 1945.
Le parti pris des deux scénaristes (Blengino/Goy) est de focaliser l'album sur ces dix années durant lesquelles Mussolini a exercé son pouvoir plutôt que les errances du Duce dans les sphères socialistes voire marxistes de la politique. Je trouve cela assez dommage car le lecteur aurait saisi que le fascisme découle avant tout du socialisme: il s'agissait avant tout de casser l'emprise du libéralisme économique sur la société italienne et les participants à la marche sur Rome avait bien en tête de participer à une "révolution".
Au fil du temps, nécessité faisant loi, Mussolini devra se concilier les puissances d'argent et son ambition conduira immanquablement l'Italie à la catastrophe: l'aventure coloniale et le rapprochement avec l'Allemagne nazie seront les erreurs initiales qui vont sceller le sort du régime.
Violent mais sans aucune mesure avec l'hitlérisme, le fascisme italien va perdurer après-guerre car il n'a pas laissé que des mauvais souvenirs au-delà des Alpes: le régime est crédité de belles réalisations (ce que l'historienne Catherine Brice, auteur du dossier en fin de volume souligne) comme un nouveau système de retraite, l'assèchement des marais pontins, le renouvellement des logements, le rapprochement avec le Vatican, etc.
Totalitaire avant l'heure et souhaitant imprimer au pays la toute-puissance de son système politique, Mussolini n'avait finalement pas d'idéologie définie: il a souvent varié de position; les alliances en Europe sont à ce titre assez révélatrices: proches des démocraties libérales, Mussolini s'allie bientôt avec Hitler et forme le pacte d'acier. La politique antisémite et l'adoption des lois en 1938 visant des 40 000 Juifs d’Italie alors qu'il avait affirmé le contraire quelques années plus tôt est un autre exemple de cette versatilité propre au personnage.
Cet album est une bonne introduction au sujet: le dossier historique permet de comprendre un peu mieux Mussolini que la bande dessinée elle-même: .en choisissant d'escamoter les années avant son accession au pouvoir ainsi que la période 1943-1945, les scénaristes ne permettent pas de comprendre ni l'origine du phénomène fasciste ni le jusqu'au boutisme d'un dirigeant prêt à tout, même à une guerre civile dans sa soif du pouvoir.