Works 2001-2019: Bilingue anglais/allemand.
de Joël Tettamanti

critiqué par JPGP, le 12 décembre 2022
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Joël Tettamanti,: mesures et démesures
Joël Tettamanti vit et travaille à Lausanne. Il est né en 1977 à Efok, au Cameroun. En 2001, il obtient son diplôme en Graphic Design and Photography de l’ECAL et depuis il ne cesse de traverser le monde en vue de le saisir dans sa complexité urbaine ou naturelle et pour ses travaux de créations ou de commandes. Il n’existe de différence de nature entre ces deux pans.

Se situant dans l’intervalle entre ce qu’il regarde et ce qu’il saisit, entre ce qui le regarde et ce qu’il en saisit ses photographies font donc comprendre d’abord ce qu’il en est de sa vue. Elles ramènent aussi à une idée centrale de Blanchot selon laquelle « ce qui est mesurable cesse d’être ce qu’il est pour être mesurable. Il perd ce qui lui reste, lorsqu’il est mesuré ». Tout le travail tient dans cette traque de l’intervalle, de la « dé-mesure » afin d’appréhender autrement ce qui nous échappe, ce qui se montre en ne se montrant pas ou trop. Un « ailleurs » du quotidien urbain comme de l’éternité des paysages « sauvages » est enfin visible, incarné par ce qui habituellement n’est que pur témoignage et qui devient ici une poésie.

L’image n’est donc pas le véhicule de l’architecture mais le sujet d’un propos bien plus vaste qui a pour objet l’être humain et son empreinte dans le temps. "C’est la base de mon travail, ce qui motive toujours la prise de vue" écrit celui qui fait sauter le paysage pour le désenclore. L’artiste témoigne autant de coupures que de retrouvailles là où l’être a tout de même marqué sa présence au sein d’un constant balancement entre une présence et son gouffre. Le socle architectural ou paysager devient une frange à partir duquel la photographie réinvente un langage hallucinatoire. Il ramène à une intimité originelle ou à un monde saturé de formes où l’être est perdu au sein de manifestations quasiment monstrueuses.

Jean-Paul Gavard-Perret