Belle de jour
de Joseph Kessel

critiqué par Nirvana, le 14 octobre 2004
(Bruxelles - 51 ans)


La note:  étoiles
Quand les plaisirs du corps sont indépendants du coeur...
Ce roman est éclairé par une préface de l'auteur, car à sa parution, il souleva contestations et réprobations, accusé de pornographie.
Kessel remet donc les pendules à l'heure, mais il est vrai que depuis 1928, beaucoup d'eau a passé sous les ponts, et l'histoire a peu de chances de choquer à l'heure actuelle. On en retiendra cependant le style, avec lequel Kessel dépeint à merveille le conflit intérieur qui habite Séverine. Il fait monter avec habilité notre angoisse quant à son destin, et nous nous rendons compte, impuissants, de la spirale infernale dans laquelle elle s'est engagée.
Séverine est l'épouse de Pierre, jeune médecin, et vit une vie tranquille de bourgeoise, entre essayage de toilettes, thés et diners entre amis. Le couple a une grande complicité, s'aime sincèrement, mais le corps de Séverine ne suit pas les ardeurs de son mari.
Elle se donne à lui sans plaisir, et il en souffre, ...
Une relation du couple, Husson, la courtise , voulant provoquer sa retenue. Il lui donne un jour, incidemment, l'adresse d'une maison de rendez~vous.
Troublée, puis obsédée, sans en comprendre la raison, Séverie va s'y rendre, et aura une révélation: la soumission exigée de sa part, l'humiliation pour cette jeune femme de bonne famille, lui révèle le plaisir.
Elle doit maintenant faire cohabiter cette femme, avide de dépendance et de vice, avec la jeune épouse, rangée, tellement pure aux yeux de son époux, pleine de remords de le tromper.
Jusqu'au jour où elle rencontre Marcel, jeune voyou qui veut être le seul à compter pour elle....
Ce livre a reçu le prix de l'Académie Française, et fut adapté au cinéma en 1967 par Luis Bunuel( avec Catherine Deneuve).
Un quasi-scénario 8 étoiles

J'ai eu l'impression de retrouver, retranscrit, le film de Luis Bunuel, dont il est une adaptation. Le style est un peu vieillot, il est vrai, et assez sec ; aussi le contenu est assez descriptif, sans laissez transparaître beaucoup des états d'âme des personnages, laissant au lecteur une grande liberté d'interprétation, qui peut décontenancer certains lecteurs, qui auraient aimé d'être plus guidés, ou apprécié une analyse fine, digne d'un Proust, ce qui en aurait fait un roman-fleuve, vu la gravité des faits, le nombre des rebondissements et donc la complexité du ressenti de chaque personnage qui s'ensuit. Cela aurait été d'autant plus difficile à décrire que le narrateur est omniscient, à moins d'opter pour le point de vue d'un personnage, et seul celui de Séverine - la fameuse Belle de jour, eût vraiment valu la peine, vu qu'elle est presque la seule à connaître l'affaire dans son ensemble, et cela n'eût pas été simple de se mettre dans la peau et d'adopter la psychologie d'un personnage féminin. C'est peut-être cela que rend ce roman un peu masculin par ses points de vue, comme en fait part une critique précédente.
Mais l'auteur a fait des choix : le regard omniscient consiste en l'option du recul, la synthèse offre une liberté au lecteur qu'est le potentiel d'imaginaire ; il s'inscrit donc, selon moi, au choix opposé de Proust qui fait un travail sur la mémoire, et cela se soutient, vu que ce roman se base sur le non-dit, qu'il a voulu faire ressentir, peut-être un peu trop fort, et qu'il aurait dû probablement analyser un peu davantage.

Le film me semble meilleur, car ce genre de média permet de faire comprendre le silence par les expressions des acteurs qui sont montrées, et c'est en cela qu'il est très fort. On peut rester un peu sur sa faim, sur ce roman, qui reste passionnant, car il y a un côté "polar".
Il n'y a plus rien qui, aujourd'hui, succomberait véritablement à la licence.

J'ai personnellement bien aimé ce livre, que j'ai vite avalé, mais aussi connaissais-je l'histoire par le film. J'aime assez bien son style et comprends ses choix, qui ne m'ont pas gêné.

Veneziano - Paris - 46 ans - 17 mai 2008


un livre qui se lit entre les lignes... 8 étoiles

Au départ j'ai eu du mal à apprécier le style de l'auteur , écriture très "vieille france " du début du siècle et puis au bout de quelques pages seulement, on est emporté dans l'histoire de Séverine et dans ses tourments.

j'ai été impressionnée par la faculté de l'auteur à pouvoir décrire des scènes au lecteur avec si peu de mots ou plutôt avec des mots si expressifs et lourds de sens... quel talent !

La lente descente aux enfers de Séverine est décrite à demi mots, on comprend à peine les moments clès car l'auteur n'insiste en rien sur les passages importants et c'est justement au lecteur de se concentrer sur ces passages et de se poser à ce moment là de sa lecture pour analyser la perversité de Séverine. Je trouve ça très fort !

Au fur et à mesure de la lecture, on a l'impression que les ennuis de Séverine ne peuvent plus être pires et pourtant !!!

un bon grand moment de lecture et de plaisir .

Janou - - 48 ans - 11 octobre 2006


une histoire d'une femme écrite par un homme... 4 étoiles

Ce livre raconte l'histoire d'une femme, il est écrit par un homme et ça se voit.
La psycologie de Séverine me semble pauvre. On ne voit aucune progression dans son désir; elle passe presque du jour au lendemain à la prostitution. Pour rendre personnage plus riche et surtout plus crédible, il me semble que Séverine aurait du passer par differentes étapes: éveil du désir, tentations, puis expériences légères, doutes, renonciations, rechutes etc... pour finalement arriver à son ultime perversion. Le cheminement par lequel arrive cette femme de bonne famille à la prostitution m'a parue d'une simplicité... On ne ressent pas assez le mal qui peut l'atteindre du fait de la contradiction entre son mode de vie mondain et son désir intérieur.
Bref, pour moi, Kessel a projeté à travers son ouvrage ses propres fantasmes sur les femmes "du monde", aimant penser que les femmes biens sous tous rapports possèdent elles aussi une part de perversité. Il n'est pas du tout entré dans le réel univers psycologique féminin; et n'a pas à mon sens compris les désirs intérieurs de certaines femmes.

Norah - - 42 ans - 28 juin 2006