Comme une Chanson
de Brice Torrecillas

critiqué par LIVIE, le 6 décembre 2022
( - 57 ans)


La note:  étoiles
Comme une chanson, Brice Torrecillas
« Comme une chanson », roman, Brice Torrecillas, Arcane 17
L’artiste face aux mirages et face aux miroirs...

« Au commencement était Joe dassin » : un jeune homme de 20 ans veut devenir chanteur, « faire des tubes et que ça tourne bien, être aimé », comme dans le tube de Balavoine. On est dans les années 80 et Boris Beaumont franchit les portes d’une maison de production toulousaine, la « Baraka internationale », en quête de succès…
«La  Baraka » : une pseudo maison de disques sans « comité d’écoute » pour attraper le gogo. L’arnaque a été montée par Roland Gauthier un ancien taulard qui connaît bien les hommes et qui sait que « leurs rêves n’ont pas de prix ». « Même les plus démunis finissent par rassembler l’argent, vingt-cinq ou trente mille francs pour l’enregistrement d’un quarante-cinq tours, jusqu’à dix millions de centimes pour un album. Une fois les musiciens réglés au lance-pierre, de larges bénéfices dans la tirelire de Baraka. Pas la moindre promotion, trois ou quatre cartons de disques qui se battent en duel dans un placard.»
Mais Boris Beaumont a du talent et le bras droit du PDG, Paul de Sicard, à la particule usurpée, décide de prendre le jeune homme sous son aile. Celui qui porte une queue de cheval et un rubis à l’auriculaire apprend à son poulain à se « déprovincialiser », à se faire mousser dans les cafés auprès d’hypothétiques groupies en rêvant show télévisés ou hit-parade sur RTL. Tournées dans les bistrots, cachets misérables, concerts dans les MJC et discothèques de la région. A quand Paris ? 3000 affiches imprimées, tournées des plages du Roussillon, avec les effluves maritimes d’un succès entrevu dans un camping. « On convoite mes autographes comme des actions dont le cours va bientôt s’envoler ». Mais la carrière de Boris Beaumont ne décolle pas. Même si Paul de Sicard parvient à décrocher des RDV à Paris et une émission TV. Même si un disque jaillit des studios de « Baraka », après un deal cocasse : le PDG  offre quinze jours d’enregistrement au jeune loup s’il consent à écrire un livre sur lui, en lui inventant une vie et une fiancée... Un disque, des contacts parisien, des affiches. Le Graal n’est pas bien loin. Deux producteurs parisiens sont séduits et font des promesses au jeune chanteur qu’ils ne tiennent pas…
L’histoire de Boris Beaumont est narrée par lui-même, tout en chansons, avec des phrases cadencées, pleines de rythme, d’humour et de mélancolie amère. Le narrateur, double de l’auteur, regarde dans son rétroviseur pour faire revivre des tubes et toute une époque. Une réflexion captivante sur la création, le succès, la promotion et leur vanité... L'artiste face au miroir, celui des alouettes, le miroir des faux-semblants, des espoirs et des désillusions. 
On sort de ce roman d’apprentissage tantôt enchanté, tantôt désenchanté en songeant à nos propres ambitions, à nos propres rêves. Et si Boris Beaumont était notre semblable, notre frère, cet artiste qui sommeille en nous et que nous aimerions parfois réveiller ?