L'Intranquille
de Joseph Kai

critiqué par Pucksimberg, le 24 novembre 2022
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Etre un dessinateur et auteur gay au Liban
Le personnage principal est un auteur de bandes dessinées à Beyrouth. Il est confronté à une certaine forme d’intolérance quant aux gays et à la corruption qui gangrène son pays. Le lecteur le suit dans ses questionnements, dans ses discussions avec ses amis, dans ses moments de drague … Ce roman graphique interroge sur le Liban et son devenir. L’histoire se déroule pourtant 30 ans après la guerre civile, mais le roman graphique nous confirme que le pays s’enlise dans un climat inconfortable.

« L’Intranquille » est esthétique déjà dans le traitement des couleurs. Il y a des associations de celles-ci qui sautent aux yeux et donnent une approche différente du texte et de l’image. Les pastels peuvent contraster avec certaines couleurs très sombres qui semblent incarner la corruption, la censure et les pressions exercées par le pouvoir. Certaines planches sont vraiment très belles et auraient presque un côté hypnotique.

Certaines séquences sont marquantes par le sujet qu’elles abordent, comme ce spectacle transgenre marqué par une intervention militaire musclée ou comme certaines séquences en lien avec la sexualité du personnage. Elles sont aussi marquantes par le traitement de ces sujets. Joseph Kai ne s’impose aucune limite : il peut aussi bien dessiner des vignettes classiques que consacrer une page entière à un dessin, accumuler des planches sans texte comme créer des planches où le texte est plus dense et reflète la richesse des discussions … La forme est au service du fond et l’artiste semble bien inspiré. Ces choix divertissent le lecteur qui est souvent surpris par certains choix.

L’intériorité du personnage est bien rendue, c’est l’une des forces des romans graphiques que de pouvoir rendre avec intensité et de façon métaphorique ce que ressentent les personnages. Le lecteur découvre les cauchemars du héros, son désir et ses angoisses. Certaines images sonnent avec justesse et explicitent ce qu’il intériorise. Je ne connaissais pas Joseph Kai, mais je pense que c’est vraiment un artiste à suivre.