America / En Orient
de William Cliff

critiqué par Pucksimberg, le 16 novembre 2022
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Notes de voyage poétiques sur une humanité peu glorieuse
Ces deux recueils de poèmes semblent conçus comme des carnets de voyage poétiques. Le lecteur suit le poète dans ses expéditions, sur des territoires qui ne répondent pas exactement à la carte postale. Il découvre quelques villes d’Amérique du sud, les Etats-Unis, l’Inde, la Turquie, la Serbie … Dans les diverses sections, ce sont des impressions qu’il retranscrit, des rencontres, des scènes de vie, des expériences sexuelles homosexuelles aussi. Je dois reconnaître que les endroits traversés ne m’ont pas fait rêver. Les lieux sont plutôt sales tout comme les hommes, les individus peu attachants comme semble l’être l’humanité sous la plume du poète. Les animaux sont aussi souvent convoqués. Le poète n’adopte pas une écriture qui célèbre la beauté du monde.

Ces poèmes se lisent avec un grand plaisir, surtout si l’on aime voyager et si l’on ne recherche pas des descriptions idylliques. Le poète décrit les lieux dans lesquels il s’est rendu et les évoque même s’ils ne sont pas photogéniques. L’écriture de William Cliff est accessible. C’est une poésie moderne, presque écrite sous la forme d’une confidence, d’une discussion avec le lecteur. On a le sentiment parfois qu’il nous raconte ses mésaventures dans un navire ou sur la Terre ferme. Les poèmes répondent tous à une forme différente. Les strophes sont de longueurs différentes, parfois même les vers sont hétérométriques. Le rythme de ses vers est vif. Il y a une musicalité singulière et l’on pourrait presque imaginer comment le poète parle dans sa façon de construire ses phrases. On a le sentiment d’entendre sa voix.

Ce qui est vraiment intéressant dans ces poèmes c’est le regard du poète, sa façon de voir les hommes, ces villes, la nourriture consommée, les comportements sexuels, le statut des animaux. Cette poésie donne un éclairage plus réaliste sur le monde, plus prosaïque. Le poète est fin observateur et sincère dans ses remarques.

« triste triste triste est l’infini désert arabique
La tristesse est écrite
Jusque sur la face des gens qui en tout temps font la
Grimace au vent à la
Poussière et au soleil on les entend racler la gorge
Et cracher les gros glaires
Qui leur remontent du poumon pour avoir toujours à
Respirer l’aride air
Sans pitié labourant leur sang de sa stérile haleine

Le bus danse sur le tarmac craqué de tous côtés
A droite la Mer Rouge
Avec ses plants pétrolifères empestant l’atmosphère
A gauche le désert
Borné au lointain horizon par l’arabique chaîne
Et dedans les turbans
Les longues robes majestueuses mais crasseuses
Et le tabac qui fume
Incessamment et les regards qui vaguent tristement »