Les tourmentés
de Lucas Belvaux

critiqué par Monocle, le 13 juillet 2024
(tournai - 64 ans)


La note:  étoiles
Excellent premier roman
LES TOURMENTES de Lucas Belvaux " Alma éditions 2022" 342, pages

Skender et Max étaient légionnaires puis aussi sans doute un peu mercenaires. Ils ont remis leur béret et se sont retrouvés dans la vie civile. Skender marié et père de deux enfants est hanté pas des cauchemars et des démons de souvenirs de plus en plus pénibles qui deviennent un enfer et l'enfer est partageur. L'épouse lui demandera de partir. Ce qu'il fera pour sombrer dans la rue comme un clodo, hirsute, à fouiller les poubelles, à dormir sous des cartons. Il pense moins à ses souvenirs brûlants, il se contente de marcher ou de flâner et parfois en se cachant de regarder ses enfants dans leur cour de récréation.
Puis un jour après dix ans d'éloignement, il rencontre son ami Max. Lui a des souliers de marque et un habit sur mesure, il roule dans une somptueuse limousine et il invite son ami pour lui présenter celle qu'on appelle "Madame". Un dame très riche qui fera à ce clochard une curieuse proposition qui pourrait le sortir de sa situation.

Écrit sous la technique des voix multiples, ce procédé est déstabilisant au départ et j'ai bien failli m'y perdre. Mais l'auteur a de la technique. Tout en gardant un texte linéaire, par les particularités de chaque personnages on devine vite qui est l'intervenant. Un peu délicat au départ mais on s'y habitue vite.
Des passages d'un haute volée et je vous en cite un au hasard :
- " Il y a des hommes que le bonheur ne rend pas heureux. Incapables de vivre le jour qui est, le présent rongé par l’angoisse du lendemain. Des hommes dont le passé a tué l’avenir, qui ne transmettent que ressentiments, rancune, honte et regrets. Tout ce qui fait la haine, de soi et des autres."

Bref un très puissant premier roman, récompensé par le prix Régine Deforges. L'histoire a ses faiblesses mais l'ensemble est cohérent. C'est un livre grave qui aborde de multiples sujets. A noter la parfaite maîtrise de l'auteur sur la puissance de sa syntaxe. L’art de construire des phrases et de les combiner avec justesse n’est pas donné à tous. Il n'avait pas choisi la facilité en présentant son roman (surtout un premier) de façon aussi travaillée.
Bravo Monsieur Belvaux, j'espère vous retrouver.