L'année la plus chaude
de Maxime Bultot

critiqué par Alceste, le 14 novembre 2022
(Liège - 62 ans)


La note:  étoiles
Premier roman prometteur
L’année la plus chaude, c’est peut-être aussi celle où, vers 13 – 14 ans , la perception qu’a un garçon de son milieu familial change : sans tout à fait perdre la vision magique de l’enfance, il devient plus lucide sur sa vie, sa famille, ses parents en particulier. Au travers des péripéties que traverse Alex au cours du roman, il y a un retour constant aux figures parentales, comme une ombre qui pèse et dont il faut se mettre à distance. Toute l’histoire de l’adolescence en somme…

Baignant dans un milieu modeste, Alex et son frère ne manquent de rien mais sont confrontés à un père et une mère méritants certes mais parfois un peu bas du front. La vie s’écoule avec ses hauts et ses bas, plutôt morne, jusqu’à la découverte par Alex d’un objet extraordinaire, qui va perturber le train-train quotidien et révéler la vraie personnalité de chacun.

Au-delà des rebondissements romanesques qui forment la trame du roman, c’est le retour permanent au passé qui en fait la particularité. Chaque événement renvoie à une image d’autrefois, un souvenir, une impression passée, qui éclaire le moment vécu, et cette accumulation finit par dessiner, à la manière d’un puzzle, les contours de ce qui serait les racines de l’enfance.

Dans ces souvenirs, le père et la mère sont décrits sans concessions mais sans acrimonie. Finalement, il y a plus de tendresse que de rancœur. Une facilité - parmi d’autres - que l’auteur évite, en ne versant pas dans la révolte, plus ou moins violente, d’un adolescent contre ses parents.

Il faut souligner aussi l’extrême justesse d’expression avec laquelle le quotidien, dans ses banalités voire ses trivialités, est rendu, et souvent transfiguré par une réflexion ironique voire philosophique.

Un premier roman prometteur.

Extrait
Papa a parfois de grandes idées. Elles ne sont grandes que pour lui. La dernière fois, il a investi la moitié de ses pauvres économies dans un extracteur de jus à haut rendement. L’équivalent de son salaire y est passé. L’appareil était tellement brillant qu’on pouvait y observer nos visages déformés en réflexion. Papa l’a installé fièrement sur le plan de travail, mimant des roulements de tambour en le sortant de sa boîte en carton. Il nous a servi du jus à tous les repas, nous forçant à avaler chaque goutte de ses expérimentations. Les jus, c’était la santé, les vitamines, l’avenir en somme. Ça a duré dix jours. Les jus ont ensuite laissé place à la grenadine premier prix. Y avait pas autant de vitamines, mais ça coutait nettement moins cher. La machine, elle, trône toujours à côté de l’évier. Maman s’en sert maintenant pour faire sécher ses chiffons. Question investissement, on a vu mieux.