Professeur singe suivi de Le Bébé aux cheveux d'or
de Mo Yan

critiqué par Septularisen, le 12 novembre 2022
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
LA CHINE COMME UNE FABLE!
Mo YAN nous propose ici deux longues nouvelles sur la famille, les contraintes sociales et la politique de la Chine rurale de la fin des années 1980. Ce sont des histoires qui, sous couvert de nous présenter des «vies ordinaires», franchissent allégrement le seuil du fantastique pour basculer définitivement dans la fable…

Dans la première «Professeur Singe», nous suivons la vie de Wang San. C’est un intellectuel, professeur d’université, rédacteur reconnu d’articles spécialisés sur la poésie, mais, du genre rat de bibliothèque très malingre, distrait et myope. Il est marié avec Wang Xiamei, une ancienne et très belle joueuse professionnelle de volley, devenue avec le temps qui passe, une grosse matrone très irascible, et qui prend parfois le visage de Wang San pour un ballon.

Ce matin-là, elle l’envoie en ville chercher de quoi nettoyer la petite pièce qui leur sert d’appartement. Mais, pour l’intellectuel casanier, agoraphobe et ochlophobe, la traversée de l’avenue principale de la ville se transforme en véritable cauchemar. De retour dans son logis, afin d’éviter une énième colère de sa femme, et éviter d'être battu, - car revenant les mains vides, il n’a en effet rien pu acheter ayant oublié son portefeuille -, le professeur passe devant un grand panneau publicitaire sur lequel figure un singe joyeux de couleur verte... Wang San, comme il l’avait maintes fois promis à sa femme devant son comportement violent, se transforme aussitôt en… singe!

Wang Xiamei désespérée, va mettre en route toutes les tentatives possibles pour que son mari reprenne une forme humaine...

C’est très drôle, cela devient même quasiment un vaudeville quand le professeur devient un singe, et que celui-ci se saccage littéralement le petit appartement de la famille. Mais, attention, sous le couvert d’une fable, c’est une critique très acerbe de la société chinoise de l’époque, avec notamment p.ex. ces grands ensembles d’habitation où s’entassent dans la plus grande promiscuité des centaines de familles, qui vivent dans une petite pièce et n’hésitent pas à s’accaparer des pans entiers des couloirs pour y faire la cuisine…

Dans «Le bébé aux cheveux d’or», nous suivons deux histoires parallèles. Dans la première, nous sommes dans un petit village isolé de la campagne chinoise. Nous faisons la connaissance de Zijing, une jeune femme qui vit seule dans une ferme avec sa belle-mère, une vieille femme aveugle et invalide. Malgré une vie précaire très simple et très dure, les deux femmes sont solidaires, et s’entendent très bien…

Dans la deuxième, on suit le fils de la vieille femme. Instructeur militaire politique, grognon et renfermé, il vit très loin de sa femme, enfermé dans sa caserne et ses idées politiques. Il ne se préoccupe guère de sa jeune femme, car il ne l’a épousée que pour qu’elle s’occupe de sa vieille mère et pour faire les travaux des champs.

La jeune femme se languit de son mari, quand un grand et charmant jeune homme aux cheveux jaunes vient pour l’aider aux travaux des champs. Celui-ci, très séduisant, lui porte un intérêt bien au-delà des travaux et Zijing se sent enfin revivre, à travers ce jeune homme qui s’intéresse à elle…

Le retour inopiné du mari au mauvais moment met fin à l’idylle entre les deux amants… Cheveux jaunes est chassé sans ménagement, et la femme adultère punie. Toutefois, le mari lui pardonne son infidélité, et veut reprendre la vie commune.
Mais le ventre de la jeune femme s’arrondit déjà…

Si l’écriture de Mo YAN est toujours aussi belle et que j’ai beaucoup aimé la première nouvelle, - malgré un thème déjà exploité de nombreuses fois en littérature -, je suis beaucoup plus circonspect sur celle-ci! Disons-le tout de suite, je me suis vraiment, mais vraiment beaucoup ennuyé, et sa lecture m’a paru interminable! Si les passages qui se déroulent à la campagne sont diversifiés et distrayants, ceux qui se passent dans la caserne sont longs, mais longs, redondants, et vraiment ennuyeux! C’est simple il ne se passe rien! Et la même histoire (non n’insistez pas, je ne vous dirai pas laquelle, la réponse est dans le livre!..) revient encore, encore et encore…

En conclusion, je dirai que ce sont deux histoires d'amour poignantes, incroyables, inattendues, drôles et tragiques, où les sentiments se cachent sous le burlesque et l'ironie. Je n’ai toutefois pas trouvé ces deux histoires assez représentatives de l’immense talent de l’écrivain chinois, je ne les conseille donc pas pour découvrir l’œuvre de l’écrivain, mais plutôt à ceux qui ont déjà lu d’autres œuvres de cet auteur…

Rappelons que M. Mo YAN (*1955) est le lauréat du Prix Nobel de Littérature 2012. Il est le premier lauréat chinois du plus prestigieux prix littéraire au monde et, au moment où j’écris ces lignes, le seul lauréat du Nobel de Littérature de ce pays.