Richard Heintz, peintre de l'Ardenne
de Jules Bosmant

critiqué par Alceste, le 9 novembre 2022
(Liège - 62 ans)


La note:  étoiles
Heintz, le paysage transcendé
C’est la Somme pour quiconque admire ou veut connaître le Prince de l’École liégeoise du paysage. Documenté, accessible, aussi fin sur la psychologie du personnage que rigoureux sur ses pérégrinations et ses rencontres, cet ouvrage doit certes être actualisé au regard de certaines avancées historiques et artistiques mais reste un enchantement par la qualité de son style, lequel donne du « Maître de Sy » une image à la fois chaleureuse et éminente.

Si rien n’est tu de son fâcheux penchant à l’alcool, tout est fait pour mettre Richard Heintz (1871 - 1929), dont la précoce vocation s’éveille à Gand lors d’un « séjour linguistique », au premier rang des peintres belges, et reconnu comme tel de son vivant grâce à plusieurs expositions bruxelloises et au soutien de Camille Lemonnier.

Par chance, le peintre passe volontiers du chevalet à l’écritoire et nous a gratifiés d’une abondante et savoureuse correspondance où il s’épanche sur les aléas de sa vie artistique, et notamment sur son long séjour en Italie, favorisé par une bourse de la Fondation Darchis. Là-bas, il s’émeut davantage des sauvages beautés des Apennins que des glorieux monuments de Rome. Partout, il cherche des réminiscences de sa chère Ardenne.

Car c’est elle qu’il a chantée, fait vivre, débarrassée d’une certaine fadeur virgilienne pour la peindre à larges coups de pinceaux trempés dans ce bleu qui n’appartient qu’à lui. Trois hauts-lieux sont célébrés par Heintz : Sy ( commune de Ferrières), dont la Roche noire deviendra en quelque sorte sa Montagne Sainte-Victoire, comme celle d’ailleurs de nombreux peintres liégeois, le moulin de Molhan, dont l’image subsiste dans ses tableaux , à défaut de le faire dans la réalité, et le village de Nassogne, au cœur d’une forêt restée primaire.

L’ouvrage est doté d’une série d’illustrations d’une qualité hélas liée à l’époque, mais l’envie de nous plonger dans l’abondante iconographie disponible aujourd’hui ou d’aller contempler les nombreux tableaux du maître n’en est que plus forte.

Extrait
« Il fallait surtout revenir vers la peinture, la peinture tonique et voluptueuse qui trouve en elle-même sa fin et ses moyens et craint les graphismes desséchants. Or, Sy se prêtait admirablement à ce besoin de réalisme. Son paysage est suffisamment expressif pour se passer d’idéalisation et de symboles. On peut y peindre pour le plaisir, car sa vallée resserrée, favorable au contre-jour dont Heintz fut le premier à appliquer toutes les ressources au paysage de chez nous, fait jouer assez d’oppositions entre les éléments constitutifs du tableau pour que les tons y prennent toute leur valeur et tout leur éclat. »