Avant les diamants
de Dominique Maisons

critiqué par Septularisen, le 8 novembre 2022
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
«La priorité est donnée aux moyens de communication de masse, les livres n’intéressent que ceux qui les lisent, et ils sont si peu nombreux.»
Hollywood 1953. En plein MaCcarthysme, en pleine «Guerre Froide», et en pleine période de chasse aux communistes, l’armée américaine peste contre l’industrie cinématographique et les grands studios jugés trop indépendants et trop assujettis à l’influence de la Mafia américaine. L’armée voudrait beaucoup plus de films à sa gloire, destinés à toucher un public jeune et à le faire s’engager.

Elle charge alors le Major Chance BUCKMAN et l’agent Annie MORRISSON, du bureau de liaison de Los Angeles, de tout faire pour accroitre la production des films indépendants. Ils doivent se débrouiller pour trouver un studio, une histoire, un scénario, un producteur, et surtout… des financements!
Pour s’ouvrir les portes d’Hollywood, ceux-ci font appel au père Storace, un religieux très bien introduit dans les milieux du cinéma, connu du tout Hollywood pour ses œuvres de bienfaisance et membre de la ligue chrétienne qui approuve, ou non, les nouveaux films qui sortent tous les mois sur le marché. Ils n’hésitent d’ailleurs pas à le faire chanter avec des photographies compromettantes!
Le père Storace les met sur la piste de Larkin Moffat, un petit producteur abonné aux tournages de séries B, qui enrage contre les grandes majors qui l’excluent d’un système auquel il aimerait tant appartenir et rêve de prendre sa revanche…

L’armée américaine ne pouvant évidemment pas financer son premier film directement, Buckmann et Morrisson vont réaliser en sous-main un périlleux «montage financier» et faire appel au mafieux Jack Dragna, qui rêve lui aussi de s’approprier une part du gâteau de l’industrie cinématographique dont sa «famille» est exclue…
Celui-ci remet une valise bourrée de dollars au producteur véreux pour financer sa première grande réalisation, avec l’obligation de lui rendre le double…

Inutile de dire qu’une valise remplie de deux millions de dollars en espèces sonnantes et trébuchantes, va attirer toutes les convoitises et provoquer beaucoup, beaucoup de violence…

Que dire de plus? Tout d’abord disons que c’est très, mais alors très bien écrit. Très méticuleux, très descriptif. On comprend très vite que M. Dominique MAISONS (*1971) n’en est pas à son «coup d’essai» et a un sacré bagage derrière lui… C’est facile à lire, et les plus de 500 pages se tournent toutes seules. Le fait aussi que le livre se déroule sur une plage de temps très réduite (entre le 17 mars et le 29 août 1953) facilite aussi les choses. J’ai d’ailleurs littéralement «dévoré le livre». Il y a bien quelques digressions ici et là dont on aurait bien «fait son deuil», mais enfin rien de bien grave. Par contre, il y a beaucoup (mais alors vraiment une flopée, eihn !..) de personnages, et il vaut donc mieux noter qui est qui, au risque de se perdre un peu en chemin…

Le plus intéressant étant bien sûr la façon très noire, très sordide et très cynique, mais toujours très véridique dont l’auteur nous présente l’Hollywood des années 1950 (les choses ont-elles beaucoup changé depuis?..), où tous les coups sont permis, toutes les compromissions autorisées, toutes les concupiscences acceptées, tous les chantages réalisés, toutes les cruautés possibles… Un monde ou tout le monde rêve de devenir acteur et de connaître la gloire, mais ou il n' y a que très peu d'élus. Un monde ou les (très) jeunes femmes, ne sont que des poupées, des jouets sexuels entre les mains d'acteurs et de producteurs sans scrupules qui profitent d'elles, et ou seules quelques unes ont véritablement compris l'usage qu'elles peuvent faire de leurs attraits!
Le tout arrosé de beaucoup d’alcool, de cocaïne, de parties fines, de produits stupéfiants et de médicaments en tout genre, de fastueuses réceptions qui dérapent, de sexe, de trahisons, de chantages, de violence, de secrets de famille, de voitures et de villas de luxe, de policiers et de politiciens corrompus etc etc…

Que demander de plus à un livre, dans lequel, - cerise sur le gâteau -, on croisera, entre autres, et pas toujours présentés sous leur meilleur jour (que du contraire d'ailleurs!..) : Cecil B. DeMILLE (1881 – 1959), Clark GABLE (1901 – 1960), Franck SINATRA (1915 – 1998), John WAYNE (1907 – 1979), Kim NOVAK (*1933), Marylin MONROE (1926 – 1962), Errol FLYNN (1909 – 1959) etc etc... Et surtout, Mme. Hedy LAMARR (1914 – 2000) (1), dans un rôle absolument inattendu et très original (non, n’insistez pas, je ne vous dirai pas lequel, la réponse est dans le livre…)...

Je n’ai pas grand-chose à dire de plus, c’est vraiment le meilleur livre que j’ai lu cette année et un des meilleurs que j’ai lus depuis longtemps et, si je ne mets pas cinq étoiles, c’est tout simplement à cause de la fin du livre, trop abrupte, trop rapide, trop condensée (pensez-vous le livre fait plus de 500 pages et toute la fin tient en… 18 pages!), trop simple, trop simpliste, trop incroyable, trop «capillotractée», trop exagérée, pour que l’on puisse y croire une seule seconde!

Toutefois, je reste à dire que si je ne dois emporter qu’un seul livre sur une île déserte cette année... Vous savez lequel je prendrais!..

(1) : De son vrai nom Hedwig Eva Maria KIESLER, c’est elle qui figure sur la couverture du livre. Productrice et actrice (Dallila, dans le film «Samson et Dalila» (1949), de Cecil B. DeMILLE, c’est… Elle!), et douée d’une intelligence hors du commun, elle fût aussi une inventrice de génie et a découvert la technologie à l’origine du Wifi, du Bluetooth et du GPS!
Sa fiche wiki est ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Hedy_Lamarr

P.S. : En raison des scènes de sexe et de violence très nombreuses et très explicites, on évitera de donner ce livre à lire aux plus jeunes.
«Avant les diamants» est lauréat du Prix Claude Chabrol 2021.