Un putain de salopard - Tome 3 - Guajeraï
de Régis Loisel (Scénario), Olivier Pont (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 5 novembre 2022
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Mon père, ce bandit manchot
A la fin du tome précédent, nous avions laissé Max et le Manchot en pleine jungle, en mauvaise posture, alors qu’ils venaient tout juste de retrouver l’épave de l’avion contenant un trésor. S’apprêtant à quitter les lieux, ils tombèrent nez à nez avec des hommes envoyés par Hermann, le patron du camp forestier, à la recherche de Max. S’ensuivit une fusillade où le Manchot les élimina un par un mais s’en sortit avec une blessure à la jambe. Avant de s’évanouir, il eut juste le temps d’annoncer à Max qu’il était son géniteur… Pendant ce temps, Baïa, qui, très méfiante vis-à-vis du Manchot, avait préféré s’enfuir en dérobant la barque de ce dernier, a rebroussé chemin pour tenter de rejoindre Max. Alertée par une vision de sa mère, elle a réalisé que le Manchot était un homme très dangereux…

La rencontre avec ce « putain de salopard » a finalement eu lieu… Le fameux Manchot a donc annoncé à Max qu’il était son fils après s’être pris une balle dans la jambe par les hommes d’Hermann. Et pourtant, quelques minutes auparavant, il s’apprêtait à trucider sans états d’âme le fiston, qui venait de récupérer le trésor caché dans l’épave de l’avion perché dans les arbres… L’arrivée des hommes d’Hermann ne lui en aura heureusement pas laissé le temps… Il faut bien le dire, une enflure pareille, ça laisse sans voix, justifiant pleinement le titre de la série.

Avec ce troisième tome, l’aventure est bien relancée pour Max après une telle révélation. Pourtant, point d’effusions lacrymales ici, et les rapports entre père et fils vont assez vite tourner à l’aigre. On découvre un Manchot irascible, impulsif et autoritaire, ce qui a le don de mettre Max hors de ses gonds, lui qui jusqu’ici était plutôt zen voire timoré. De plus, le paternel à la barbe blanche hirsute, s’il n’a plus qu’un bras, a conservé une énergie hors du commun et a la gâchette facile ! Tout va basculer lorsque le jeune homme réalisera qu’il n’est qu’un pion comme un autre aux yeux de son peu recommandable papa. Plus que jamais, cet épisode sera jalonné de moult rebondissements, fusillades et courses-poursuites.

Côté dessin, rien à redire, Olivier Pont remplit sa mission avec brio, avec un sens du cadrage accompli. La scène finale de la course-poursuite entre Max et son père est impressionnante par le sentiment d’immersion qu’elle procure au lecteur, lequel se retrouve littéralement sur le siège de la moto du jeune héros. Quant aux passages plus contemplatifs, moins présents ici, ils sont superbes. On ne peut s’empêcher d’évoquer la scène nocturne de la page 51 où plusieurs des protagonistes, à des endroits différents, sont représentés en plein sommeil, avec (presque) à chaque case la présence apaisante de la lune sur un magnifique ciel étoilé… Le travail parfaitement maîtrisé de François Lapierre sur les couleurs y est assurément pour quelque chose.

Sur le plan du scénario, Régis Loisel contentera à coup sûr les fans d’aventure. En revanche, ceux qui attendaient une exploration plus psychologique des personnages resteront peut-être sur leur faim. On comprend parfaitement la révolte de Max face à ce père ingérable et très peu empathique, mais les relations entre les deux hommes n’évolueront guère au cours de ce tome, l’accent semblant avoir davantage été mis sur l’action. A ce titre, on peut dire que c’est réussi mais ce rythme échevelé fait un peu retomber l’histoire dans le format classique du genre.

« Guajeraï » a donc provoqué une légère baisse d’intérêt pour la série en ce qui me concerne, mais si, comme le laisse entendre la dernière page, une suite est prévue (Tiens ? j’avais cru comprendre que c’était une trilogie…), alors on attendra encore avant de se faire une opinion définitive.