Le goûter du lion
de Ito Ogawa

critiqué par Jfp, le 30 octobre 2022
(La Selle en Hermoy (Loiret) - 75 ans)


La note:  étoiles
la dernière sucrerie
Comme dans les autres romans qui ont fait son succès (ô combien mérité), Ito Ogawa nous plonge dans un univers proche du réel mais fortement teinté d’imaginaire. Ici, le sujet est la fin de vie, celle de la jeune Shizuku. Atteinte d’un cancer ne lui laissant plus que quelques semaines à vivre, elle a décidé d’arrêter tout traitement pour vivre ses derniers moments au sein de la Maison du Lion, un "lieu de paix", sans doute philanthropique (bien que le sujet de l’argent ne soit jamais évoqué), où les personnes désireuses de mourir dans les condition les plus douces possibles sont accueillies et choyées dans un environnement paradisiaque. Puissance de l’imagination ou réalité ? On ne se posera pas la question, sachant qu’au Japon rien n’est définitivement impossible. Reste la puissance de l’évocation des sentiments et la poésie délicate émanant de cette écriture raffinée. La tristesse est au rendez-vous, la lente descente vers la mort étant ici traitée avec le plus grand respect, sans en rien cacher, mais il s’agit avant tout d’un roman qui fait du bien car chargé de tendresse sans jamais atteindre à la mièvrerie.
Lumineux 10 étoiles

Le jour de Noël, Shizuku Umino arrive dans la Maison du Lion. Elle vient y vivre la fin de sa vie. Elle a pris sa décision après de longs mois de douleurs, de traitements pour combattre le cancer arrivé au stade 4.
Cette maison de fin de vie créée et gérée par une infirmière appelée Madonna, est située sur l’Île aux citrons ; chaque résident bénéficie d’une grande chambre avec ouverture et accès direct à la mer.
Mais surtout, tout y est organisé pour que chaque personne profite au maximum de chaque plaisir que la vie peut encore apporter.
" C’est comment le paradis ,
C’est un endroit absolument merveilleux."."
La beauté du paysage, de la mer, des vignes, leurs odeurs, la musique, anti-douleur aussi efficace que le vin à la morphine sans oublier les plats préparés par les deux sœurs qui travaillent à la cantine Mai et Shima.
" Le plus important c’est de vivre l’instant présent. De le ressentit à travers son corps. Voir, toucher, sentir, goûter avec ses yeux, ses mains,sa langue, et en être émue."
Le dimanche est un jour particulièrement merveilleux ; c’est le jour où le goûter réalise le vœu d’une résident qui souhaite retrouver le dessert qui l’a le plus marqué, le souvenir d’une mets, une madeleine de Proust ; avant la dégustation, Madonna lit la lettre qui accompagne le vœu, dévoilant les souvenirs, les remords ou les regrets de ceux qui vont bientôt partir.
Tout est autorisé, même la présence d’un chien. En l’occurrence une petite chienne qui s’attache à la jeune femme ; qui va découvrir l’amour maternel avec ce petit animal qui se love contre elle pour dormir."Rokka était comme une bouillotte qui réchauffait mon corps et mon âme."

J’avais déjà beaucoup aimé La papeterie Tsubaki, mais ce roman délivre une telle émotion, une telle poésie, qu’il restera longtemps dans ma mémoire. C’est un livre où l’on a souvent les larmes aux yeux mais aussi beaucoup de joie, d’affection pour ces femmes extraordinaires ; c’est aussi un ouvrage où l’on a envie de garder précieusement les conseils, voir, sentir goûter, remercier la vie jusqu’au dernier souffle.
Magnifique.
Et merci à Alma, Frunny, et Ludmilla de m’avoir permis de le découvrir.

Marvic - Normandie - 65 ans - 6 février 2024


un magnifique roman philosophique 10 étoiles

Le goûter du Lion
roman de Ito OGAWA
259 pages
Editions Picquier
août 2022


La sagesse japonaise est louée par beaucoup, c'est cette harmonie avec la nature.
Elle apprend comment accepter un sens du bonheur basé sur le plus simple, sur l'élémentaire .
J'ai entendu parler de cette sagesse mais sans la toucher du doigt comme maintenant après la lecture de ce beau livre, insolite, curieux et beau.
Shizuki est une jeune femme qui se rend sur l'île aux citrons, elle se sait irrémédiablement condamnée et vient terminer sa vie en douceur dans cet havre de paix pour fin de vie.
Elle est accueillie dans ce lieu magnifique par Madonna qui lui explique le pourquoi et le comment de cet espace où les personnes viennent respirer, vivre leurs derniers instants dans le calme, la sérénité.
Elles savent toutes qu'il s'agit de leur dernier domaine.
« Vivre pleinement chaque jour. Ne pas les expédier, juste parce que la fin était proche, mais savourer la vie jusqu'à la dernière goutte. »
C'est une philosophie originale mais tellement belle que le lecteur ne peut y croire .
Pourtant il est pris, capturé par la poésie qui est insufflée .
Shizuki va rencontrer des personnalités très différentes, certains des résidents sont inquiets, anxieux pais peu à peu grâce à l'écoute réciproque, à la bonté des accompagnateurs, tout devient plus simple, plus limpide.
Chacun devient comme une bougie qui s'éteint tout doucement mais qui avant de finir de se consumer brille de mille feux.
Pourquoi le goûter du Lion ?
Le lecteur va très vite comprendre et même se laisser conquérir par cette philosophie humaine qui considère que chacun a droit à une fin de vie calme , reposée et accompagnée par autre chose que des larmes.
Le dimanche, un goûter demandé par un résident est tiré au sort et avant qu'il ne soit dégusté par tous, Madonna lit un texte écrit par le demandeur.
Voici un tout petit extrait de l'un de ces messages :
« Jusqu'au jour où je suis tombé malade. Un cancer. Un coup de tonnerre dans un ciel serein. Lorsqu'ils ont compris que je n'allais pas guérir, les gens autour de moi se sont volatilisés plus vite que la fumée. »
Ce lieu splendide, ce « paradis » est justement le contraire de la fuite, c'est l'empathie et le lieu où l'on goûte jusqu'au bout les saveurs de la vie.

Jean-François Chalot

CHALOT - Vaux le Pénil - 76 ans - 16 janvier 2023


"Quitter le monde le sourire aux lèvres" 9 étoiles

« Je savais que ma vie allait s'éteindre bientôt , mais d'ici là j'avais bien l'intention de la savourer »
Et c'est dans un maison de fin de vie, sur une île, à l'écart du monde que Shizuku, jeune femme de 30 ans en phase terminale de cancer, a choisi de vivre, en les savourant, ses deniers moments.

Dans ce centre, pour permettre aux mourants de quitter le monde sereinement, « le sourire aux lèvres », pour apaiser « les douleurs du corps et de l'âme » leur sont procurés des soins variés tout au long de la journée . « Ici la mort se fond naturellement dans le quotidien ».

Tout ici n'est que bienveillance , délicatesse , respect des envies et des rythmes de chacun.

Thérapies du corps et de l'esprit : doux massages odorants, contacts apaisants avec un chien qui vient se lover comme un enfant contre le corps. Séances de musicothérapie, de dessin. Repas qui sont comme des échos des plaisirs gustatifs de l'enfance. Quand la douleur est trop forte, absorption d'un « vin de morphine » qui procure un engourdissement bienheureux.

Le lecteur suit le quotidien de ce centre au travers des impressions de ShizuKu et l'accompagne dans sa transition vers la mort, quand les ombres du passé viennent la visiter, quand s'estompe insensiblement la frontière entre l'ici et l'ailleurs.

Un beau roman, à la fois grave et léger, doux sans être sirupeux qui prend toute sa dimension quand on accompagne l'un de ses proches vers la mort mais qui peut aussi fortement ébranler celui qui n'a pas pu ou n'a pas su l' aider à mourir dans la sérénité .

Alma - - - ans - 22 décembre 2022