Le tonneau magique
de Bernard Malamud

critiqué par Poet75, le 11 octobre 2022
(Paris - 68 ans)


La note:  étoiles
Un maître de la forme courte
J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer mon admiration pour le talent littéraire de Bernard Malamud (1914-1986), écrivain juif new-yorkais dont le nom, s’il est moins connu que ceux de certains de ses pairs, n’en est pas moins celui d’un romancier et novelliste de premier plan. Philip Roth (1933-2018) en personne le considérait comme l’un des maîtres du roman juif américain.
Si des romans comme L’Homme de Kiev et Le Commis, pour ne citer que ces deux titres, prouvent de manière évidente que l’on a affaire à un admirable romancier, la parution aux éditions Rivages du Tonneau magique démontre que notre auteur était également un excellent auteur de nouvelles. La forme courte lui convenait tout aussi bien que la forme longue, chacune des treize nouvelles contenues dans ce recueil pouvant être considérée comme un petit bijou du genre.
On pourra, sans trop de peine, relever quelques caractéristiques parcourant l’ensemble du recueil. Les personnages que met en scène l’auteur, dont il raconte, de façon concise mais jamais bâclée, les destinées, sont uniformément des gens modestes, artisans, épiciers, voire étudiants, menant des vies étriquées auxquelles, même quand ils ont l’ambition d’accéder à un autre statut, ils sont, en fin de compte, comme condamnés, les écueils auxquels ils se heurtent les empêchant d’atteindre la vie meilleure qu’ils souhaitent. Il semble que le poids du déterminisme pèse sur eux, les contraignant à l’échec.
Ces personnages, animés par des désirs louables, mais confrontés à d’imparables revers, il ne nous est pas difficile de deviner combien ils étaient proches de l’auteur, très certainement semblables aux hommes et aux femmes qu’il côtoyait quotidiennement dans son quartier de New-York. Ainsi de Feld, le cordonnier, qui souhaite marier sa fille à Max l’étudiant et doit se contenter, pour finir, d’un gendre qui lui convient beaucoup moins. Ou de Kessler, un retraité, que le propriétaire de son appartement veut chasser de chez lui. Ou de Manischewitz, un tailleur qui perd tout et se retrouve aussi pauvre que Job. Ou de Carl Schneider, un étudiant venu à Rome pour y finir sa thèse sur le Risorgimento, qui se met en quête d’un appartement décent et se retrouve manipulé par un faux agent immobilier. Ou de Tommy Castelli, qui surprend une fillette dérobant des bonbons dans son magasin et qui décide de la laisser faire. Ou de Henry Levin qui, en villégiature au bord du lac Majeur, découvre une jeune fille superbe mais laisse passer sa chance à cause d’un mensonge. Ou de Fidelman, qui séjourne en Italie pour rédiger une étude critique sur Giotto et se fait voler le premier chapitre de son travail. Ou enfin de Leo Finkle, un apprenti rabbin qui, souhaitant se marier, ne trouve rien de mieux que de s’en remettre à un marieur.
Publié aux États-Unis en 1958, cet excellent recueil trouve, comme il convient, sa place parmi les éditions des œuvres de Bernard Malamud entreprises chez Rivages. À ne pas manquer.