Marquis Minuit
de Tom Buron

critiqué par Pucksimberg, le 8 octobre 2022
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
"nous avons été élus pour dessiner le grand album de la perte"
Quelle belle épopée nocturne ! Tom Buron emporte son lecteur dans un flot d’images et de mots qui peuvent décontenancer et fasciner. Le texte est parfois sibyllin mais on se laisse bercer par la musique du style du poète.

Marquis est un personnage noctambule qui déambule dans les rues en ayant sans doute un peu bu, peut-être cet alcool que l’on relie à l’ivresse créatrice habituellement comme chez Apollinaire. Dans sa traversée hallucinante, il rencontre Major Zénith un personnage familier du monde de la nuit. L’on suit donc notre personnage principal dans ses virées sur lesquelles se superposent plein de références, des divinités et des images fulgurantes dont la force nous emporte sans pour autant délivrer facilement le sens exact de certains vers. Ce premier long poème s’intitule « Marquis minuit ». Puis vient la seconde section intitulée « Satellites ». Chacun des poèmes de cette partie a pour titre une expression du long poème « Marquis minuit » et se révèle comme une courte extension du premier long poème comme si ce dernier était une planète, dont les poèmes de la seconde partie sont des satellites. Des satellites qui complètent ou développent « Marquis minuit ».

Le verbe poétique de Tom Buron est complètement hallucinant. Très vite, dès les premiers vers, le charme opère. Il faut accepter de se laisser porter par les mots, leurs consonances, leur pouvoir évocateur et surtout par le rythme des poèmes. La ponctuation se fait rare, des blancs typographiques ralentissent la lecture et couchent sur papier le temps qui se voit figé. Le poète aime le jazz et son écriture s’en ressent. L’écriture est musicale mais la force du langage l’emporte sur le reste. On a parfois l’impression d’être confronté à un poème symboliste à cause de son hermétisme et pourtant le poète laisse des indications plus explicites qui permettent de structurer notre pensée quand on le lit.

On peut rêver cette traversée fantastique telle une épopée moderne mais merveilleuse, pourtant c’est la réalité qui est transfigurée par la plume du poète. Il y a la nuit, les bars, les rencontres, le séjour dans un lieu psychiatrique, la police, les troubles de la perception, la musique … Le lecteur est subjugué par cette écriture, par ces poètes contemporains qui envers et contre tout ose ce langage poétique, qui parle de notre monde contemporain dans un style moderne et esthétique. C’est vraiment une très belle découverte. En terminant le recueil de poèmes hier soir, je n’avais qu’une envie, c’était de le relire pour continuer l’exploration et faire parler davantage les vers de Tom Buron.

« Nous débarquons au midi sur l’ivresse
Et sur la ville
Les phrasés pleins d’électricité
Mais peut-être nous disions-nous autre chose
Et cela peut-être n’importe pas
Puisque
Jus de soleil
Il nous faut téter au sein des mythes
Je récupérerai ma terre natale
En quelques sublimes césures
Sans même vous fournir d’ellipses
Récupérerai ce sang usé
D’éteindre la lumière
Sommes-nous Major
Dans ce désert qui raccorde le jour et la nuit ?"