Bételgeuse
de Raymond Mottart

critiqué par Alceste, le 1 octobre 2022
(Liège - 62 ans)


La note:  étoiles
Le point de vue de Sirius
Et si les ondes radio, une fois inventées au début des années 1930, se propageaient dans l’infini de l’espace jusqu’à toucher une autre planète habitée ? C’est sur ce postulat que Raymond Mottart (1895 - 1942) bâtit son roman qui s’apparente davantage à un conte philosophique qu´à un ouvrage de science-fiction . C’est ainsi qu’il imagine les habitants de Bételgeuse semblables à des amibes, doués d’une intelligence supérieure, mais pour laquelle n’existent que les données quantifiables. Ils passent leur temps à décoder les étranges fréquences radiophoniques qu’ils captent et finissent par avoir une idée très nette , quoique distanciée, du monde humain qui grouille à des années- lumières d’eux. Ce qui les séduit d’abord, c’est la musique et sa beauté pythagorique. Mais pour eux qui ne sont qu’intelligence pure, qui ne connaissent ni la reproduction ni la mort, beaucoup de comportements humains sont absurdes ou choquants : l’enfantement supposerait qu’un puisse faire deux, manger c´est s’introduire dans le corps des objets inférieurs, l’amour ne peut être qu’une illusion créée par la musique…
Pour s’aider dans leur connaissance des humains, ils élaborent un lexique qui dénote encore leur condescendance à leur égard :
ACTION : trouble de l´immobilité méditative
IGNORANCE : Néant provisoire
MAL : Silence de la pensée
TEMPS Démonstration par l´absurde de notre éternité
Mais l´observation attentive de ces êtres sublunaires finira par troubler les observateurs, eu égard principalement à la notion de bonheur. Dans leur misère, les hommes trouvent grâce aux yeux des habitants de Bételgeuse, en offrant une image de leur grandeur.
Publié 14 ans après la mort de son auteur, ce roman est le troisième et dernier que lui ait permis sa vie relativement brève. Sa haute tenue littéraire ne peut que nous le faire regretter.
Extraits :
« Savez-vous que l´homme dépend tout entier d´un incendie, celui qui consume la planète malade 555 et qui est près de s’éteindre ? Sans cette combustion momentanée, les gens d´en bas ne seraient rien ; si elle cessait, ils périraient aussitôt. «
« Les yeux, instruments ajoutés au cerveau, l´homme en loue la couleur, la profondeur et l´éclat, mais les yeux ne sont qu´un moyen de connaissance. Comment vous figurez-vous la beauté d´un moyen de connaissance ? Peut-on parler de la couleur des idées ? »
« Pas plus que la turpitude de ses semblables ne soulève de doutes dans l´âme d´un croyant, la dureté de la nature envers les habitants de la Terre n´entamait leur idée de Dieu. »