Le chant du monde
de Jean Giono

critiqué par Tistou, le 6 octobre 2004
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Chant grave
Antonio, l'homme du fleuve et Le Matelot, l'homme de la forêt partent en amont du fleuve à la recherche du besson du Matelot. Le besson, le petit, le fils. Ils remontent le fleuve jusqu'en pays de montagnes et rencontrent un autre monde, affrontent les gens des taureaux, les redoutables Maudru. Bon attention, dis comme ça, ça peut faire S.F.. Mais c'est Giono, hein? Giono avec une véritable intrigue, à rappeler un peu les lourdes histoires de famille à la Faulkner, avec des odes entières au fleuve, aux collines et à la montagne, aux animaux. Leur épopée commence en automne, s'achève au printemps et c'est prétexte pour Giono pour tout passer en revue, de la nature et des hommes, de l'automne au printemps. Le printemps est la saison qui lui convient le mieux. Son lyrisme y est le plus flamboyant. Un échantillon ;
"Le printemps du Sud montait des forêts et des eaux.Il avait déja conquis le soir et la nuit. Il était le maître de la longueur des heures.Les hautes montagnes de glace déchiraient le Nord ; une drapille de nuages battait sur leurs flancs. Mais on ne sentait plus le froid.Les poissons sautaient. Un renard mâle appelait d'une petite voix plaintive. Des tourterelles grises volaient contre le soleil et le bout de leurs ailes s'allumait. Les martins-pêcheurs couraient sur l'eau. Des grues lancées vers le nord comme des flèches passaient en criant. des nuages de canards écrasaient les roseaux. Un esturgeon à dos de cochon nageait sur l'eau ..."
Tiens, il y a aussi du Joseph DELTEIL dans ce GIONO. Et puis ... c'est GIONO!
métaphores à foison 9 étoiles

En vacances, sans possibilité de me procurer un livre dans ma langue, j’ai fini par dénicher ce Giono, que je n’avais jamais lu. J’ai été époustouflée par cette abondance de lyrisme, de métaphores, il y en a à chaque page, à chaque description…

Je ne reviendrai pas sur l’histoire qui est celle de deux amis, Matelot et Antonio, qui recherchent le fils de l’un d’eux, le besson comme ils disent. Ils le retrouveront, mais Matelot, le père trouvera la mort au bout du chemin. Une histoire de vengeance pour une femme que deux clans désirent.

Cela se passe à la campagne, les gens vivent au rythme de la nature, au rythme de leur passion, au rythme de leurs pulsions. Comme dans la nature, les hommes se battent pour obtenir la femme qu’ils ont choisie ; les femmes suivent leurs instincts, se donnent là où leurs envies les mènent. L’une accouche dans la forêt ; un homme, Antonio, la trouve et la prend, sans s’inquiéter d’où peut venir l’enfant qu’elle vient de mettre au monde. L’enfant meurt peu après, tout le monde s’en fout, enfin, l’auteur n’en parle plus et la mère ne s’en inquiète pas non plus. Elle cherche juste un homme sur qui elle pourra compter. Une vie loin de la rationalité que nous connaissons. Dans ce livre, chacun est mû par son instinct primaire, on a envie, on prend, on vous résiste, on se venge, çà c’est pour le fond de l’histoire.

Reste les superbes métaphores :
« la pluie se mit à danser sur les chardons larges comme des peaux de tambours.. »
« l’écume grésillait et pesait sur les eaux comme du blanc d’œuf.. »
« les ruisseaux léchaient les herbes à gros lapements de langue.. »
« chaque fois qu’on parlait, la lumière avait peur. Elle ouvrait brusquement deux grandes ailes d’or puis elle se couchait dans la lampe prête à s’éteindre.. » « la flamme effarouchée battait éperdument des ailes.. »
« Alors arrivait le soleil épais, plus roux que le poil de renard, si lourd et si chaud qu’il éteignait tout, bruits et gestes.. »
« les nuages épaississaient lentement avec des soubresauts comme la soupe de farine. De temps en temps, d’énormes bulles éclataient en jetant des éclairs.. »

Darius - Bruxelles - - ans - 5 août 2016


Un style très lyrique… 4 étoiles

Le message de Jean Giono dans « le chant du monde » est que les êtres humains font partie de la nature. Ils sont des éléments de la nature. Ils interagissent en fonction du grondement du fleuve, de la hauteur de la lune, du vent qui descend de la montagne…Tout est vivant : vallée, fleuve, nuages…Et les être humains ne sont qu’un élément de ce vivant. Les êtres de la nature sont liés entre eux par un fil invisible. Ainsi, les femmes sont des juments, des étoiles, des éléments de la nature que les hommes qui sont des chevaux poursuivent dans les rues les premiers jours de printemps.
Un des héros, Antonio, annonce Bobi de « que ma joie demeure » qui est selon moi supérieur « au chant du monde ». En effet, ce livre, écrit dans les années trente, est difficile à aborder. L’histoire est flottante. L’excès de lyrisme finit par noyer le texte : « Des brumes lourdes traînaient parfois tout le jour au ras des herbes. D’autres fois les nuages étaient si haut, si loin, qu’à travers leur chair transparente on pouvait voir le soleil comme un cœur en train de faire là-haut son travail de lanceur de sang ». C'est beau, mais des passages comme celui-là, il y en a des pages et des pages ce qui, à mon sens, finit par ennuyer le lecteur.

Chene - Tours - 54 ans - 9 juillet 2013


Superbe ! 8 étoiles

L’œuvre de Giono offre vraiment deux aspects bien différents. Le plus classique, le plus connu est celui de chantre de la Provence telle qu’il la voyait à son époque et au début de sa carrière. Nous y retrouvons des livres comme « Colline », « Un de Baumugne », « Regain » « Les ämes mortes » etc.

Puis nous avons l’autre Giono qui est bien plus varié mais avec une écriture toujours aussi belle. « Le hussard sur le toit », « L’Iris de Suze », « Les cavaliers de l’orage », « Le bonheur fou » et « Le grand troupeau » qui est probablement un des livres le plus frappant quant aux horreurs de la guerre.

Je viens de relire « Le chant du monde » livre que j’avais déjà lu quand j’avais 15 ou 16 ans. L’envie de lire un Giono m’est venue suite à un séjour de quatre jours à Roussillon qui m’a bercé dans cette ambiance et la beauté de village comme Gordes, Ménerbe, Lacoste et Lourmarin.. Je me suis aussi rendu à Manosque avec sa rue commerçante et la maison natale de l’auteur menant vers une très belle place.

Erve, dans sa critique éclair dit que les longues descriptions de la nature que contient ce livre cassent un peu l’histoire elle-même. Ce n’est pas faux mais cela ne m’a pas empêché de jouir pleinement de ma décision de relire ce livre.

Bien sûr certains personnages nous semblent un peu poussés au point de devenir plus mythiques que réels. Mais ils sont attachant malgré tout. Quant à ces descriptions elles font partie de tout l’art de Giono. Nombreux sont les mots que nous ne connaissons pas (à même se demander s’ils existent encore) mais rien n’y fait : c’est véritablement superbe !

Je crois que peu d’écrivains peuvent écrire de cette manière…

J’ai donc beaucoup aimé et je comprends très bien les quatre étoiles mises par Tistou (sauf erreur)

Jules - Bruxelles - 80 ans - 12 juillet 2010


Fleuve interminable 4 étoiles


Bon personnellement, je n'ai pas accroché. Sans dire que je n'ai pas aimé, ce livre ne m'a pas parlé et c'est pourquoi je n'ai pu le finir, abandonnant presque à la fin mais il me restait néanmoins trop de pages à lire pour avoir le courage de poursuivre. En gros l'histoire nous raconte l'histoire de 2 hommes, l'un lié au fleuve l'autre à la forêt, qui partent à la recherche d'un enfant. Ils vont alors partir remonter le fleuve et rencontrer diverses personnes, situations nous appelant visiblement à nous interroger sur l'homme, la nature, le sens des choses. Ce chant du monde est une interrogation philosophico-mystique, en tout cas c'est comme ça que je l'ai perçu, mais il ne m'a inspiré qu'ennui, lassitude, incompréhension et autres baillements. Je ne dirai pas que le livre est mauvais mais simplement je n'ai pas aimé, je m'y recollerai peut-être une autre fois.

Oxymore - Nantes - 52 ans - 18 juin 2005


La vie n'est pas un long fleuve tranquille 6 étoiles

Le personnage central du roman, ce n'est pas Matelot, parti à la recherche de son dernier fils, ni même Antonio, qui l'accompagne. Le personnage principal, c'est le fleuve. Il est omniprésent du début à la fin, tantôt calme et paisible, tantôt violent et sauvage. Giono en fait un être à part entière, avec ses sentiments, sa volonté propre. C'est pour moi la principale originalité de ce roman car, pour le reste, c'est du Giono pur jus (ou pure souche, selon que, comme Antonio ou Matelot, vous soyez plutôt du fleuve ou de la forêt) : dans un style inimitable, une histoire toute simple, prétexte à mettre en scène des personnages rustiques, complexes et marqués par la vie et surtout à dépeindre en long, en large et en couleurs la nature et les saisons. C'est son grand truc, à Giono, les odes à la nature. C'est sa marque de fabrique et il y excelle. Mais, à trop en faire dans le genre, il déforce quelque peu son roman.

Erve - Jalhay - 58 ans - 22 novembre 2004