La prophétie des nains
de Line Alexandre

critiqué par Saigneur de Guerre, le 9 septembre 2022
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Un meurtre. Un incendie. Un meurtre... Ah, comme il fait bon vivre dans les Ardennes !
La scène, malgré un petit crachin, pourrait inspirer plus d’un romantique. Une soirée quelque peu froide. Une femme assise sur la margelle d’une fontaine dans un petit village absolument charmant, Engreux, dissimulé dans les Ardennes belges, non loin, mais pas trop près non plus, d’Houffalize. Elle l’attend. C’est son « Amour ». Elle serre son téléphone. Va-t-elle devoir s’en aller sans lui avoir parlé ? Non, pas question ! Soudain, une ombre s’avance. Son cœur palpite. Voilà enfin ce qu’elle attendait avec une folle impatience…

Julia songe au gruyère. Il y a plein de trous dans le gruyère. Ils semblent s’agrandir de jour en jour. Qu’arrivera-t-il s’ils finissent par se rejoindre ? Restera-t-il encore du gruyère. Elle contemple son carnet de notes : « 19:00 cadenasser la barrière d’entrée. » Mais avant d’aller se coucher, elle aimerait se rendre à la fontaine pour écouter la musique mélodieuse de l’eau qui sort de son vieux tube de cuivre…

Critique :

Ah, chouette ! Un nouveau polar dans la collection Noir Corbeau des éditions Weyrich ! Un nouveau polar… et une nouvelle autrice ! Bienvenue à Line Alexandre qui nous entraîne dans un petit village des Ardennes, Engreux, qui pourrait être bien paisible… si un cadavre n’y avait point été trouvé. Et quand il y en a un, il se pourrait qu’il y en ait d’autres…
L’enquête est confiée à une juge d’instruction au caractère bien trempé, la juge Gabrielle Werner. Elle est secondée par un inspecteur principal, Évariste Joris. Lui, il est plus enclin au doute. Faut dire qu’étant un métis, ayant une peau plus sombre que la plupart de ses collègues policiers, certains ont du mal à l’accepter. Et puis, il y a son passé familial ! Cela n’aide pas…
La vie du petit village semble tourner autour de l’auberge où des dizaines de nains se livrent à mille et une activités, qu’ils soient en plastique, en plâtre, en céramique ou… Peu importe ! Quel rôle jouent-ils dans cette enquête ? Connaissent-ils le criminel ? Sont-ils témoins ? Complices ? En tout cas, ils se montrent taiseux et ne semblent pas prêts à témoigner…
L’autrice place très vite le lecteur dans l’ambiance en usant de courts chapitres s’intéressant à ce que vit chacun des personnages principaux. Imaginez que la témoin principale soit atteinte d’Alzheimer et que sa découverte d’un cadavre dans la fontaine du village ait aggravé son état qui était déjà très préoccupant. Pourtant, elle était une psychanalyste très renommée, une femme remarquable… Mais ça, c’était avant qu’Alzheimer ne vienne transformer sa mémoire en gruyère. Sa fille est désespérée et sent le poids de la culpabilité l’écraser. Elle sait qu’elle fuit la maison de sa mère pour ne pas avoir à supporter de voir l’état de sa maman s’aggraver. Pourquoi a-t-il fallu que celle-ci sorte de la maison et se rende à cette maudite fontaine ? Pourquoi ? Le choc quelle a subi l’a sérieusement déglinguée… Et elle n’avait pas besoin de ça ! Et cette juge et ce flic qui veulent l’interroger ! Comme si cette affaire n’avait pas déjà causé assez de dégâts !

Voilà un vrai polar qui sème le doute, multiplie les suspects et finit par égarer le lecteur tout en offrant une explication qui tient bien la route. Pour un premier polar, c’est une très belle réussite. Et une autrice de plus dans la collection Noir Corbeau ne peut que ravir les amateurs de romans policiers, d’autant que les principaux acteurs, la juge Werner, l’inspecteur Joris, et Ravel le commissaire retraité pourraient former un trio disparate se complétant fort bien. A suivre !