Les exportés
de Sonia Devillers

critiqué par CHALOT, le 19 mars 2023
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
récit utile et glaçant
« Les exportés »
récit de Sonia Devillers
chez Flammarion
265 pages
septembre 2022

Le mur livre de nouveaux secrets

Le 19 décembre 1961, une famille roumaine arrive en France à Paris.
Elle a fui le régime qui lui était devenu étranger.
La narratrice, fille d'une des adolescentes de cette famille a voulu en savoir un peu plus sur cette histoire, sur les conditions de cette « exportation » appelée immigration.
Elle nous plonge dans la Roumanie fasciste, durant la deuxième guerre et rappelle la face cachée du régime d'alors : les assassinats massifs de juifs, les exécutions, les envois en camps de concentration.
Ses grands-parents qui fin 1961 vont émigrer en France sont juifs.
Comme elle le raconte, ils ne sont pas pratiquants et s'ils n'ont été ni exécutés, ni envoyés en déportation, c'était parce qu'ils habitaient à Bucarest et que le « chef de famille » cadre était utile.
La Roumanie a été durant la deuxième guerre mondiale, l'alliée d'Hitler et au moment de l'entrée des troupes de l'armée rouge à Bucarest, les communistes ont pris le pouvoir.
Pour la population et pour tous ceux qui ont été les victimes du régime allié d'Hitler, c'est une libération, du renouveau et l'espoir d'un avenir nouveau, radieux même.
Les grands-parents de la narratrice sont devenus naturellement communistes.
L'embellie ne dure pas longtemps, très vite à la fin des année 50, c'est l'exclusion du parti, la perte de l'emploi pour l'une et le déclassement à un poste subalterne pour l'autre.
Il leur faut partir.
Si le lecteur que je suis et qui est pourtant averti a été consterné par l'extermination des juifs roumains, minimisée par le régime « communiste » et par les différents pays des « deux blocs », j'ai pris connaissance en lisant ce récit de l'ampleur de l'antisémitisme inavoué des staliniens au pouvoir.
A la fin des années 30, il y avait 750 000 juifs en Roumanie, ils ne seraient plus qu'une dizaine de milliers aujourd'hui.
A côté des exterminations faites par les nazis, il y a le départ de très nombreuses familles dans les années 50 et 60 dans le cadre d'un commerce qui a enrichi nombre d'intermédiaires et le régime dit communiste.
Comme le raconte l'auteure :
« Ma famille fut échangée en 1961. Mais le troc, juifs contre cochon, débuta en Roumanie dès la fin des années 1950, soit la décennie qui suivit la Seconde Guerre mondiale, les lois raciales et la Shoah. »

Ce récit poignant nous rappelle que cette bête immonde qui est le fascisme, l'antisémitisme et le racisme doit être combattue sans faiblesse.

Jean-François Chalot