Au vrac qui vacille et Je message ici
de Nicolas Delarbre

critiqué par Débézed, le 21 août 2022
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Vaguer soi-même
Tarmac fait partie des dénicheurs de talents qui font peu de bruit mais publient régulièrement des recueils de poésie de grande qualité. Pour la circonstance c’est un premier opus de Nicolas Delarbre qu’il présente sur les rayons des librairies et, dès l’exergue, on se doute que cet auteur ne manque pas du talent que son éditeur exige. Un auteur qui cite Jim Harrison et Pierre Autin-Grenier en exergue à son recueil a obligatoirement de très belles références, il est donc probable que son propre recueil soit lui aussi de bonne qualité.

En effet de la qualité, il n’en manque pas ce recueil de poésie contemporaine, je n’aime pas trop ce terme qui sert un peu de passe-partout pour présenter tous les recueils qui sortent, même peu, des sentiers battus de l’orthodoxie poétique, je préfèrerais dire un texte exigeant, créatif, innovant, un texte qui joue plus sur les impressions, les sensations, les émotions que sur les combinaisons de mots trop souvent vues. Nicolas, lui, joue surtout sur les assonances, sur la musique, sur le rythme des vers très libres mais judicieusement combinés. Par exemple, il fait sonner « à marée » avec « amarrer ». Au jeu sur le sens des mots, il ajoute le jeu sur les sons pour donner de nouvelles possibilités à son texte et créer jolies images très poétiques, « T’as les pouces qui font du stop ».

Il utilise aussi souvent des substantifs sous la forme verbale pour impulser un autre rythme, un autre ton et peut-être même un autre sens à ses vers, « Je vague moi-même » qui peut évoquer le mouvement de la vague, l’imprécision, ou le fait de vaquer sans trop savoir où aller, ça reste vague mais dans des nuances différentes. Il multiplie aussi l’usage des verbes pour dépouiller encore plus son texte tout en conférant plus d’ampleur au phénomène décrit et plus de rythme aux actions mises en vers.

Ces poèmes semblent être aussi une forme de protestation contre la langue nauséeuse que les nouveaux médias déversent aujourd’hui sur les populations désabusées. « … / Je message en terrasse // Humilié par un plomb invisible / Soutenu par l’envie du rien à signaler // En tas // Dans le vacarme des annonces successives / Par crainte des débordements // J’entasse l’impossible à crier / … ». Un bel effort de recherche sur la langue françaises tellement banalisée et dévaluées depuis quelques décennies.

« Je message ici pour que ça serve peut-être / Pour que pour peut-être ». Alors messageons avec Nicolas en espérant être entendus et peut-être même écoutés.