Excusez-moi pour la poussière. Le testament joyeux de Dorothy Parker
de Jean-Luc Seigle

critiqué par Septularisen, le 11 août 2022
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
UNE SOCIÉTÉ AMÉRICAINE QUI NE RÊVE PLUS...
Au début de l’histoire, nous sommes en 1950 aux États-Unis d’Amérique, plus précisément à New York à l’hôtel Volney dans l’Upper East Side. Nous découvrons Dorothy dans sa chambre d’hôtel. Elle se comporte comme une grande star, une «Diva» même, s’habille en Dior, et pourtant, elle n’est qu’une modeste scénariste de cinéma.

Et pourtant, nous découvrons très vite une femme acariâtre, rongée par la solitude et l’alcool, cruelle, qui passe son temps à médire et à critiquer les gens et la société dont elle fait pourtant partie.

Si sa vie est un roman, - elle prépare son remariage avec son deuxième mari et doit bientôt comparaître devant la commission des activités antiaméricaines où elle a été dénoncée comme militante communiste -, elle n’a jamais réussi à écrire le roman que son public attendait, ni même sa propre autobiographie…

«Excusez-moi pour la poussière», est la dernière pièce de théâtre écrite par Jean-Luc SEIGLE (1955 – 2020), en 2012. En huit tableaux, elle nous raconte la vie quotidienne de la grande poétesse, nouvelliste, critique littéraire, parolière, dramaturge, scénariste et dialoguiste américaine Dorothy «Dottie» PARKER (1893 – 1967) (1). L’auteur ne nous le dit jamais, mais on comprend à certains évènements dont on parle dans la pièce, que ce sont des vrais détails de biographie de Dorothy PARKER. Il nous raconte plus particulièrement deux périodes de la vie de celle-ci. A savoir du premier au cinquième tableau, la vie de «Dottie» entre 1950 -1953, et du sixième au dernier entre 1958 et 1962.

Toute la pièce tourne autour du personnage irrévérencieux, impertinent, très «politiquement incorrect», de Dorothy, qui en est vraiment la pierre angulaire. Et franchement? C’est vraiment là l’idée «lumineuse», - totalement assumée par l’auteur -, qui s’en donne d’ailleurs à cœur joie. Le personnage de Dorothy va donc nous interpeller, nous parler, nous surprendre, nous émouvoir, nous étonner, dans ce qui n’est au fond qu’un long monologue… C’est «bourrin», jouissif, régressif, drôle, déjanté, cousu de fil blanc… Le tout reste toutefois très acceptable, disons très «grand public», vulgaire, mais jamais grossier… Dorothy est tellement sympathique, tellement humaine, tellement «comme nous», qu’elle nous embarque totalement dans son délire, très arrosé parfois, il faut le dire!..

C’est aussi une critique très acerbe, décapante de la société américaine de cette époque. Tout y passe, citons entre autres la «Chasse aux sorcières» menée par le sénateur Joseph McCARTHY (1908 – 1957), le rôle de la femme dans la société très misogyne de l’époque, la place de la population Afro-Américaine, reléguée au rôle de main d’œuvre exploitable et corvéable à merci, pour des salaires de misère, le président américain de l’époque John Fitzgerald KENNEDY (1917 – 1963) et sa femme Jacqueline KENNEDY-ONASSIS (1929 – 1994), le snobisme des femmes, l’inconsistance des hommes, l’hypocrisie ambiante, notamment à Hollywood etc, etc…

C’est très bien écrit, dans un style très beau, mais toutefois très simple à lire. C’est très court (moins de 100 pages) et cela se lit en quelques heures, mais malgré cela, le personnage de Dorothy est très bien décrit, très bien développé, et très bien fouillé au point de vue psychologique. Elle apparaît sur la scène et on ne voit plus qu’elle, tellement elle fait de l’ombre à tout le reste. C’est d’ailleurs sans doute de ce personnage qu’on se rappellera en parlant de cette pièce...

Je finis très agréablement surpris, notamment par le talent d’homme de théâtre de Jean-Luc SEIGLE, que je connaissais surtout comme romancier. Je ne peux que recommander au plus grand nombre de partir à la découverte de cette facette de l’écrivain français…

(1) : Cf. ici sur CL : https://www.critiqueslibres.com/i.php/vauteur/3444

Rappelons que la pièce «Excusez-moi pour la poussière» a été mise en scène par Arnaud SÉLIGNAC (*1957), avec Natalia DONTCHEVA (*1969) dans le rôle de Dorothy, au théâtre Le Lucernaire (Paris), en janvier 2016.