Frères de mots
de Philippe Colmant, Philippe Leuckx

critiqué par Kinbote, le 24 juillet 2022
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Les chants magnétiques de l'amitié
Si les ouvrages écrits à quatre mains ne sont pas rares, il est moins fréquent que des poètes se réunissent pour partager leurs mots dans un espace verbal aimantant par la limaille des vers leurs sensibilités poétiques.
Avec Frère de mots, Philippe COLMANT et Philippe LEUCKX, l’un, « promu traceur d’aube », l’autre, « ravaudeur de rêves », font résonner leur poésie ; ils donnent leurs chants magnétiques de l’amitié.

Nous nous comprenons

À demi-mot,
À mots couverts,

À mots tus.

Nous parlons couramment
Le silence.

Le recueil, agrémenté de photos de Philippe Colmant, s’ouvre de part et d’autre sur des métaphores de labours, de semaison et de pain partagé, d’arbres aussi…
Les singularités d’écriture des deux poètes se (con)fondent à mesure qu’ils cheminent ensemble. Leur « sang des mots / petites pulsations / de vie » se font encre commune, comme lors de ces poignets entaillés et joints à la faveur d’un serment d’amitié.

Loin de nous les jours ras
Où nous allions d’errance
Un bandeau sur les yeux
Et la migraine au cœur.

Au fil de la découverte de leurs pages complices, on ne sait plus qui parle, tant leurs voix viennent à s’assembler en un choeur commun. Sur cette portée partagée, « dans cette soie / feutrée / des échanges », tout peut se dire, mieux, plus clairement, avec plus de force, mais toujours sur le ton de la confidence.
L’amitié éclaircit, soulage et soutient, lève les craintes, allège et élève, rempare et fortifie contre le temps, « les aléas, la fatigue ». Elle rend, loin de la solitude, parfois mortifère, meilleurs les amis.

De poème en aveu,
Je te lis, te relis
Et tes mots portent voix
En écho de montagne
Rendant de l’amitié
Sa belle tessiture.

La promenade entamée à deux, libres dans leurs pas mais d’un cœur assuré, élargit l’horizon à « l’autre carte du monde » que trace l’ami poète.
Si elle n’a pas de but avoué, sinon d’aller plus loin, plus profond dans leurs individualités renforcées, elle se fait dans une allée de poèmes qui, de leurs feuillages conjoints, protège des intempéries, des épreuves de l’existence.
Pas étonnant dès lors que les derniers poèmes de cette équipée poétique se hissent sur les ailes d’un oiseau qui, de son chant tonique et confraternel, polarise les notes de l’entente, fait entendre sa réconfortante petite musique de vie.

Ton amitié m’a élevé aux nuages
Tes mots
Ta présence
Nous nous habillons
De ces papillons
Tendres.