Dieu, l'Univers et Madame Berthe
de Frédérick Tristan

critiqué par Sundernono, le 7 juillet 2022
(Nice - 40 ans)


La note:  étoiles
Se perdre, oui, mais se perdre agréablement
Quatrième de couverture : « Madame Berthe, surnommée la Gargante, règne avec superbe sur une demeure tentaculaire où se passent des événements singuliers. Un jeune écrivain tente de percer le mystère et se retrouve bientôt prisonnier d'un univers tantôt burlesque tantôt dramatique, dans lequel n'existe guère de transition entre la réalité et le rêve, un monde aléatoire où tout n'est plus que redoutables questions.
Par exemple, qui sont ces jeunes femmes qui errent et vaticinent dans cette bâtisse kaléidoscopique aux cent portes ? Des souvenirs, des fantasmes ou des spectres ? Les personnages échappés d'un roman oublié sur l'étagère d'une bibliothèque ? Les acteurs d'un théâtre manigancé par une corruptrice machiavélique ? Et cette Clara Bonheur que le jeune écrivain va aimer, est-elle fille ou garçon ?
Mais, au fait, qui est madame Berthe ? une veuve excentrique et richissime ? une vieille folle ? une sorcière capable de transformer le monde par le torrent de ses paroles ? une prophétesse des temps modernes ? Ou, en toute simplicité, Dieu lui-même ?
Avec ce roman d'aventures oniriques et drôles, Frédérick Tristan renouvelle le genre fantastique. Comme en se riant, il nous convie à une réflexion sur l'éparpillement de notre temps où tout se change en spectacle et où l'homme contemporain se perd dans un labyrinthe dont il a le plus grand mal à comprendre le sens. »

Les romans de Frederick Tristan peuvent se diviser en quatre grandes catégories : les contes initiatiques chinois, les histoires fantastiques et merveilleuses, les impostures de l’histoire et les dédales de la psyché. Dieu, l’univers et Madame Berthe, à l’image de l’excellent Stéphanie Phanistée, est assurément de la deuxième nommée. Comme le montre le quatrième de couverture le roman nous amènera à nous poser beaucoup de questions. A de nombreuses reprises je me suis perdu dans les dédales d'une narration complexe. Une histoire narrée de main de maître (quelle plume !) qui prendra par moments un côté fantastique. Il y a du Kafka dans ce roman, mais un Kafka plus virevoltant, un Kafka moins sombre et désabusé.

Bref j’ai aimé même si par moments je dois avouer avoir été quelque peu déboussolé par la richesse narrative de ce roman.

Petit extrait :
« Nous n’avons aucune existence réelle, elle prisonnière d’un texte et moi d’une mise en scène à laquelle je ne comprends rien. […]
- Il se peut, dis-je, que mademoiselle Bonheur ne soit, en effet, qu’un fantasme. Moi aussi, je suis allé au Clair de lune. Elle m’a raconté sa jeunesse au quartier Cotençon, son existence auprès de Fulgance, sa relation avec Maude Pintaud. Elle m’a fait lire le carnet de bord qu’elle tenait sur la Marie-Jeanne. Et même je dois vous l’avouer, je crus que nous avions fait l’amour, elle et moi. Mais, à bien y réfléchir, il est vraisemblable que j’ai imaginé tout cela dans la confusion de mon esprit. Pas plus que vous je ne sais où j’en suis, ni même qui je suis. Depuis mon entrée dans cette maison, j’appartiens à un récit qui m’égare mais dont je ne peux plus me déprendre. Tout à l’heure, je me trouvais au-dehors, et ce dehors m’étais devenu insupportable. Il me fallait revenir ici, dans ces murs qui ressemblent si fort au désarroi de ma vie. J’ai retrouvé Madame Berthe avec reconnaissance. »