Vivre au plus près
de Anne-Marielle Wilwerth

critiqué par Débézed, le 30 juin 2022
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
des mots en suspension
Dans un précédent recueil, « Là où s’étreignent les silences », Anne-Marielle proposait un quintil sur chaque page, dans le suivant, « Les miroirs du désordre », elle présentait un quatrain par page avec la même économie de mots, quelques mots par ver, parfois même un seul. Dans le présent recueil, elle mixe ces deux formes de présentation, tantôt deux quintils par page, tantôt deux quatrains par page mais toujours avec la même économie de mots, une extraordinaire économie de mots, deux ou trois mots par vers, rarement plus pour exprimer une idée, une sensation, une impression, un ressenti, un sentiment, …, tout ce qui habite notre intérieur sans que jamais les autres puissent le voir ou même le supposer. Dès le premier quintil, le ton est donné :

« Vivre au plus près des choses / au plus près / de ce qui scintille en soi / de ce qui palpite / dans l’imperceptible ». Comme ce doit être beau « ce qui scintille en soi » ! C’est déjà tellement beau sur la page !

J’ai relevé aussi ce tercet, peut-être le seul dans le recueil, qui m’a enchanté, un véritable concentré de réflexion philosophique en quelques mots seulement. Aucun philosophe ne l’avait jamais fait précédemment. « Nous sommes à peine plus grands / que des cristaux de hasard / Mais nos espoirs sont infinis ». C’est à la fois profond et très beau !

J’ai aussi beaucoup aimé cette façon de dématérialisé le monde et de n’en retenir que le mouvement, l’émotion, …, pas les faits mais seulement les conséquences. « Quand on atteindra le soleil couchant / on n’apportera pas la matière / mais juste / le tremblé, de ce qui a ému ».

Je pourrais aussi en citer quelques autres mais je ne voudrais pas dévoiler tout le recueil, tant ces quintils et quatrains méritent mon admiration :
« Quelques oiseaux demeurent sur nos rives / leur printemps souffle la flamme / de ce qui nous détournait / du voir ».
« Je pense à ce qui se perd / dans le poreux du croire / Je pense aussi à ce qui se noue / et se dénoue / en nos fragiles mémoires ».
« Juste écouter,/ écouter / le vertige prodigieux du rien / et s’en trouver bien ».
« On ne se nourrit ces jours-ci / que de l’inévitable / et c’est cette nourriture / qui doucement / nous ensable ».

Quelle mine de réflexion dans ces quatrains et quintils d’une telle élégance et d’un telle finesse !

Je laisse la conclusion au préfacier, Francis Gonnet, : « La poésie d’Anne-Marielle Wilwerth, …, est pierre sculptée jusqu’à l’essentielle ciselure des mots. / De ce travail de concision , jaillissent des textes courts, à la musicalité, au rythme, et à la douceur d’un instrument à vent ». Je ne saurais mieux conclure !