Waterloo, mortelle plaine
de Francis Groff

critiqué par Saigneur de Guerre, le 25 juin 2022
( - 65 ans)


La note:  étoiles
Meurtre dans un camp de reconstituteurs en plein Covid
17 juillet 2020. Campagne brabançonne (Belgique). Entre Braine-l’Alleud (où eut lieu l’essentiel de la Bataille dite de Waterloo) et Vieux-Genappe (dernier quartier-général de Napoléon).

Les autorités ayant autorisé des rassemblements en extérieur de cinquante personnes maximum, des reconstituteurs de l’épopée napoléonienne se sont rassemblés, le temps d’un week-end pour évacuer leur frustration n’ayant pu reconstituer la bataille de Waterloo qui se tient tous les cinq ans. 2015, bicentenaire de l’ultime bataille de l’Ogre, avait été l’apothéose avec plus de six mille participants venus du monde entier. 2020 aurait dû tout de même en compter près de la moitié. Maudit COVID19 qui avait empêché ces retrouvailles. Tous étaient en joie de pouvoir se rencontrer pour vivre leur passion grâce à Eddy Meuleman, fondateur de la célèbre Ambulance 1809, qui reconstituait avec une fidélité sans pareille un corps d’ambulanciers, médecins et chirurgiens de l’Empire. Il avait opéré un tri très sévère tant les candidats étaient nombreux pour participer à ce week-end de retrouvailles entre passionnés.
Il était près de deux heures du matin, ce dimanche, lorsque Charles-Damien Passereau quitte sa tente pour se rendre à un rendez-vous dont il ne souhaite pas que d’autres en soient avisés. Il tient beaucoup à son secret et montre de grands signes d’inquiétude. Son rendez-vous est fixé dans la grange de la ferme où est entreposé le canon qui sert lors des reconstitutions. C’est dans une quasi obscurité qu’il parvient, non sans mal, dans la pièce où celui-ci est parqué. Il est un peu en avance et n’a plus qu’à attendre la personne avec qui il a convenu de cette rencontre. Il ignore que ce sera sa dernière nuit sur cette terre où jadis tant de sang coula et ou le canon tonna…

Critique :

Enfin une nouvelle aventure de Stanislas Barberian, bouquiniste belgo-parisien ! Francis Groff, notre auteur Luxembourgeois-Carolo ne saurait cacher qu’il fut journaliste et, à ce titre, fureteur. Le sens du détail, la précision, l’amour de l’authentique, se ressentent une fois de plus dans cette investigation menée par un « civil » au grand dam du responsable de l’enquête à qui, pourtant, Stanislas ne manque pas de faire part de ses très judicieuses observations.
Après nous avoir fait découvrir dans « Morts sur la Sambre » ce fameux cours d’eau qui traverse une partie du Hainaut et est porteur de l’histoire industrielle de ce bassin minier et sidérurgique, et sa péniche-chapelle (authentique !), où un magistrat fut assassiné, Namur et Félicien Rops dans « Vade retro Satanas ! », qui vit la mort de Vercingétorix, un prof de l’athénée Bovesse, le carnaval de Binche dans « Orange sanguine », où monsieur Groff s’offre le luxe d’étaler deux cadavres, un Gille et son tamboureur, le jour sacré du Mardi-Gras, c’est au tour de la célébrissime bataille dite de Waterloo, d’alimenter ce polar. Pour ce faire, rien de tel qu’un crime, très original, dans le milieu des reconstituteurs de l’épopée napoléonienne. Francis Groff a bel et bien rencontré des mordus, des fidèles à l’Histoire, ceux du groupe « Ambulance 1809 » créé par Rudy Meuleman. Pour avoir eu la chance de partager deux journées avec eux et de les interviewer, je peux vous assurer que plus « authentiques » que ces soldats de l’Empire du petit Corse, tu meurs !
Des personnages célèbres, tels que Victor Hugo ou Baudelaire, sont cités fort à propos dans ce récit que je qualifierais de polar culturel tant Francis Groff s’intéresse à l’histoire des lieux où il étale son cadavre pour qu’un Stanislas Barberian, Sherlock Homes contemporain, mais sans grand vice, aidé de son « Watson », en l’occurrence sa délicieuses fiancée, Martine, fasse preuve d’un sens très développé d’observation et établisse des liens lui permettant de mettre la main sur l’assassin après nous avoir baladé et amené à suspecter des personnes innocentes. Pas bien ! ????
C’est donc gavé d’authenticité que Francis nous entraîne dans une enquête où la viande rôtie n’est pas du goût de tout le monde.

NB : il n’est pas indispensable d’avoir lu les trois enquêtes précédentes de Stanislas Barberian, mais c’est mieux…