Rock star sinon rien
de Eric Greff

critiqué par Blue Boy, le 24 juin 2022
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Helmut est mort, mais il a encore la frit’z !
Mais c’est qui ce Eric Greff au fait ? Ah ouais, le mec qui a fait « ein sehr große Karton » dans les hit-parades vers la fin des années 2000 et cherche à entretenir sa gloire passée ? Bof bof… Et si on tentait le coup juste pour voir…

Si son nom ne vous dit vraiment rien, vous connaissez sans doute son pseudo Helmut Fritz. Ce chanteur haut en couleurs mit le feu aux « dance floors » d’Europe en 2009 avec son méga-tube « Ça m’énerve ». L’auteur se livre ici avec sincérité sur cette gloire soudaine qu’il n’avait pas vu venir, mais qui ne fut pas exactement celle qu’il espérait et l’enferma dans ce personnage quelque peu encombrant, sorte de revers d’une médaille un peu trop clinquante.

Dans cette autobiographe inattendue, Eric Greff revient sur le succès incroyable qui déboula sans prévenir avec la sortie de « Ça m’énerve », un tube sur lequel flottait un parfum typiquement « eighties » et qui provoqua un engouement aussi puissant qu’immédiat. L’auteur revient sur la genèse de cette chanson, « écrite sur un post-it », et la façon dont fut créé le personnage d’Helmut Fritz, sorte de clone outrancier de Karl Lagerfeld qui apparut à son créateur comme une évidence. Une trouvaille drôlissime et très jubilatoire avec une grille de lecture à plusieurs niveaux, qui révéla le talent de Greff pour la punchline et son sens du spectacle.

Seulement voilà. La « carrière » de l’artiste ne prit pas tout à fait les voies qu’il aurait souhaitées. Lui pour qui « Ça m’énerve » était plus un gag anecdotique dont la fonction était de le propulser sur le devant de la scène et le faire connaître en tant qu’auteur « sérieux ». Mais depuis cette année incroyable que fut 2009, l’ombre envahissante d’Helmut n’a cessé de planer sur son ambition d’accéder à une véritable reconnaissance, et non pas d’être vu comme un one-shot, une étoile filante, l’homme d’un seul tube condamné à finir dans des tournées du style Stars 80…

C’est ainsi que ce provincial natif de Moselle raconte son parcours extraordinaire, où son besoin de revanche sociale (lui qui vendait des bagnoles et se retrouva sans le sou du jour au lendemain) fut satisfait très rapidement mais notre homme, éternel insatisfait, fut très vite confronté aux lendemains qui déchantent et aux frustrations liés à un rôle d’amuseur public kitsch et extravagant dans lequel les producteurs souhaitaient le maintenir mais qui était loin de lui convenir. Il fallait en finir avec Helmut !

Même s’il y a « rock » dans le titre, ça ne veut pas dire que c’est du rock, ce n’est même pas trop le genre de la maison Benzine. L’intérêt est plutôt dans l’écriture, et Eric Greff, auteur tourmenté d’un tube « encombrant », loin de nous « énerver », sait nous captiver avec ses mots hilarants et sincères. Contre toute attente, le livre se lit très bien et se révèle vite captivant. L’auteur se livre sans fards, sans faux semblants, avec une sincérité touchante et une lucidité sur ce métier et sur lui-même qui force le respect. On apprend pas mal de choses sur les coulisses du showbiz contemporain où les radios musicales par exemple fixent des playlists hebdomadaires en fonction des goûts du public et des programmateurs, auxquelles il sera impossible de déroger.

Il faut le savoir, les chanteurs comme Gims, Doré, Jul et consorts ne sont que des marques aux yeux des producteurs et des diffuseurs ! Hormis les heureux élus, les autres, tout talentueux soient-ils, n’auront aucune chance d’être diffusés et donc de percer… Un système à la fois injuste et plus que partial, qui certes a profité à Greff, sauf quand il a voulu s’extirper de la case « Helmut ». Celui-ci, s’il ne crache pas pour autant dans la soupe, ne peut réfréner ses sarcasmes.

Eric Greff possède incontestablement un talent pour l’écriture, ainsi qu’une certaine gouaille. Il y a du Audiard dans ses mots et son sens de la formule fait mouche, ce n’est pas pour rien que les paroles de « Ça m’énerve » nous ont autant fait marrer !