Du kibboutz à l'Intifada
de Marion Sigaut

critiqué par CC.RIDER, le 15 juin 2022
( - 65 ans)


La note:  étoiles
Terre promise et illusions perdues
Jeune et jolie étudiante en rupture de ban, Marion Sigaut débarque en Israël au début des années 70 avec sa guitare et toutes les illusions de l’époque. Bien que non-juive, elle s’est engagée comme volontaire pour travailler dans un kibboutz israélien. Gauchiste militante, elle veut vivre l’expérience du seul communisme intégral vraiment réussi. Elle est affectée à Tel Nir, non loin de la frontière libanaise. Accueillie à bras ouverts, elle y découvre un lieu de vie plutôt spartiate, mais bénéficiant d’une ambiance chaleureuse et fraternelle. Des jeunes venus de tous les horizons y travaillent dans la bonne humeur, partagent tout, chantent, dansent, s’amusent et se découvrent. Marion s’y fait très vite tant d’amis qu’elle considère très vite Tel Nir comme sa nouvelle famille. Un jour, elle tombe éperdument amoureuse du très beau et très viril Yaïr qui aime bien lui faire l’amour, mais sans s’engager plus, ce qui désole la jeune fille. Mais voilà que se déchaine la guerre du Kippour. Yaïr, gradé de Tsahal doit partir se battre. Marion est effondrée…
« Du kibboutz à l’Intifada » est un témoignage bien écrit et fort intéressant dans la mesure où assez peu d’ouvrages français traitent de la vie des kibboutznicks de ces années-là. Au fil de ses nombreux séjours échelonnés sur une vingtaine d’années, l’auteure a appris l’hébreu qu’elle parle couramment au point de sembler suspecte lors de ses passages à la douane. Le lecteur découvrira en même temps que l’auteure la lente dégradation de l’idéal communautaire au profit de l’individualisme et de la consommation ainsi que la dérive autoritaire et même totalitaire d’un régime qui se permet de raser des oliveraies, de faire exploser des maisons construites sans une autorisation qu’il n’accorde jamais, de passer au bulldozer des villages entiers pour y implanter des camps militaires ou des colons, et ainsi de réduire à la misère et au désespoir tout un peuple, premier et légitime propriétaire de ces territoires. Marion apprendra l’arabe, fera connaissance de nombre de Palestiniens et s’apercevra que ce ne sont pas les monstres assoiffés de sang que la plupart des Israéliens imaginent. L’histoire s’arrête avec les caillassages de l’Intifada et le départ de la narratrice, le cœur brisé par deux amours irréconciliables…