Le guerrier de porcelaine
de Mathias Malzieu

critiqué par CHALOT, le 5 juin 2022
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
roman biographique
Le guerrier de porcelaine »
roman de Mathias Malzieu
Editions Albin Michel
235 pages
janvier 2022

Mémoires d'un enfant de la guerre


Juin 1944, Mainou, le père de l'auteur de ce roman vient de perdre sa mère et sa petite sœur, morte née. C'est ainsi que se terminaient certains accouchements, à cette époque.
Ils habitent à Montpellier et le père de Mainou, éploré mais entré dans la résistance, envoie son fils en Lorraine, sa région de naissance.
C'est ainsi que commence un périple clandestin difficile car il faut passer la ligne de « démarcation » pour joindre un « pays » annexé de nouveau par l'Allemagne.
La guerre ne s'est pas terminée, même en France avec le débarquement, la Lorraine est sous la coupe directe des nazis et ce petit garçon, clandestin, va être caché par la famille de sa mère.

Mainou va être protégé mais c'est en partie la fin de l'enfance pour lui, c'en est terminé du football, du ballon.
Il ne peut fréquenter aucun enfant de son âge.
Il va grandir très vite, trop vite peut-être.

L'auteur nous livre ses réflexions que l'enfant a couchées sur un cahier intime écrit chaque jour.
Entre sa tante, croyante et un peu bigote, et son oncle, libre penseur, il va s'amuser de ces querelles sur dieu et réfléchir par lui-même .
La vie de ce petit garçon est semée d'embûches et souvent, sa famille qui cache ce garçon de 9ans et une amie juive de sa défunte mère, craint à tout moment l'intervention des nazis qui sont de plus en plus nerveux.

L'auteur ponctue son récit de remarques humoristiques comme celle rapportée de la grand-mère de Mainou :
« Tu sais que Dieu a créé le monde en six jours ? Mais s'il avait mis autant de temps que toi pour avaler un bol de lait, on en serait encore au Moyen-Age. »

C'est l'histoire d'un de ces enfants qui, nés avant guerre, ont grandi très vite et ont vécu dans l'insécurité mais aussi entourés par l'affection des leurs .

Jean-François Chalot
Avant tout un roman sur l'enfance 7 étoiles

Le genre biographique, si l'on n'est pas un "fan" du personnage concerné, peut s'avérer assez facilement ennuyeux de par le côté nombriliste.
Si ce récit est bien ancré dans les souvenirs, il ne s'agit pas de ceux de l'auteur mais de ceux de son père. L'auteur est donc le transcripteur de cette mémoire. Le choix de placer la narration comme étant écrite directement par celui qui a vécu cette vie donne de la densité, de la sincérité, de la vie à ce récit. L'art de l'auteur a su faire un roman humain, humaniste de ce qui aurait pu n'être qu'une succession un peu plate de faits.

Bien évidemment, il ne peut s'agit d'un roman d'action, le héros étant contraint de rester caché et donc enfermé. Cela n'empêche pas la vie de Mainou d'être jalonnée de nombreux éléments anodins pour un adulte mais véritables aventures pour l'enfant qu'il est, pour l'enfant dont l'univers d'exploration est très limité de par les circonstances.
Les interrogations, les incompréhensions, les espoirs, les joies, les découvertes de Mainou, tout ce qui fait son univers, tout ce qui traduit qu'il grandit, sont narrés avec tact, subtilité, sensibilité.
Il est évident que l'auteur a inclus sa propre personnalité dans la vision de cet enfant.
A cela, s'ajoutent des touches d'humour tant des les propos que dans les situations.
Un très joli roman sur l'enfance.
Le contexte est également abordé mais s'il est important, s'il est la raison de la situation c'est bien le regard de l'enfant qui s'avère l'élément majeur.
Un joli moment de lecture.

Mimi62 - Plaisance-du-Touch (31) - 71 ans - 23 septembre 2022